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TOME SIXIEME

DIX-NEUVIEME ANNÉE DEUXIEME SERIE

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ARGIS-'SU R- A U BE

'( LEON FREMONT, LIBRAIRE-EDITEUR ]

Place de la Halle

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REVUE

DE

CHAMPAGNE ET DE BRIE

Arcis-sur-Aube. Imprimerie Léon FHÉMONT.

REVUE

DE

CHAMPAGNE

ET

DE BKIE

HISTOIRE BIOGRAPHIE

ARCHÉOLOGIE DOCUMENTS INÉDITS BIBLIOGRAPHIE

BEAUX-ARTS

TOME SIXIEME

DiX-.NEUVIÈME ANNÉE DEUXIÈME SÉRIE

A BCl S-SU H- A UBE

LEUX FHEMiJ.Nl', IMPKLMELUEDITEUH, PLAGE DE LA HALLE

1894

Reie de CIiainpagEe et de Brie

L'HÉRITAGE

DE

CLAUDE DE MOY, COMTESSE DE CHALIGNY

L'aimable princesse dont le Père Maillard disait : « Il sem- ble que la nature e( la grâce s'esloient donné le déffi à qui se monstreroii plus libéral envers elle », Claude, marquise de Moy, femme de Henri I de Lorraine-Mercœur, comte de Cha- liguy, est trop connue pour que nous prenions la peine de tenter une faible esquisse. La Biographie ardennaise de l'abbé Bouillot, a retracé tout au long cette brillante existence. h'dM- ieuT des Eeligieuses Chanoinesses du Saint- Sépulcre de Charle- ville^ consacre à cette belle figure quelques pages parfailement senties et empreintes de la plus profonde érudition. Enûn, notre excellent ami, M. Henri Jadart, secrétaire général de l'Académie de Reims, n'a pas manqué de faire son éloge dans un remarquable travail sur le château de Thugny et ses anciens seigneurs *.

Nous voulons aujourd'hui parler du magnifique héritage qu'elle abandonna par anticipation à ses trois fils, et reproduire la teneur de la donation qu'elle leur consentit le 2 octobre 1 623 % quelques heures avant de quitter le château de Thugny, sa résidence favorite, pour aller s'ensevelir dans la maison du Saint-Sépulcre, à Charleville, elle s'éteignit pieusement le 3 novembre 1627, sous le nom de Sœur Marie de Saial-Fran- çois.

1. Revue de Champagne, livraison de Juillet 1888.

2. Le château de Thugoy. (Voir le Moniteur ardennais, numéro 918 du 7 juin 1879.)

3. Archives de M* Rousseau, notaire à Rethel.

C. l'ukuitaok dk ci,\unK dk moy

Claude de Moy, de son mariage avec Henri de Lorraine, laissait quatre enfants :

1" Charles de Lorraine, évoque de Verdun, puis jésuite;

2" Henri II de Loriaine-Mercœur, comte de Chaligny, mar- quis de Moy, mort en 1072 sans postérité ;

François de Lorraine, évoque de Verdun après son frère;

4'' El Louise, décéiée religieu;e capucine à Mons en 1667, auparavant mariée à Florent, prince de Ligne. Claude La Moral, prince de Ligne, d'Arablize et du Saint-Empire, leur fils, fut institué donataire universel par le marquio de Moy, son oncle, en vertu d'un litre dont nous lran«crivous également les dispositions.

Paul Pellot.

I. Donation par la marquise de Moy à ses enfants.

Pardevant les notaires du Roy, noslre sire, héréditaires au bail- liage de Victrv-le-Fraiiçois, prévosté et antien ressort de Sainte- Menehoud, demeurant en la ville de Relliel, soubsignez, est com- paru en personne très haulte et très illustre princesse, madame Claude de Moy, comtesse de Chaligny, marquise dudict Moy, vefve de feu très hault et très illustre prince messire Henry de Loraiae, vivant comte dudict Chaligny, estante de présent en sa maison de Thugny, son principal domicile el plus ordinaire demeure, laquelle de son bon gré, franche et piire volonté, sans force, contraincte, persualion ny induction quelconques, a dict qu'après avoir con- tribué, aullant qu'il liiy a esté possible, par une amour toutte maternelle, à la nourriture, éducation et entrelennement de mes- seigneurs Charles, Henry et François de Loraine, enfanlz dudict feu sieur comte el d'elle, et les voyant aujourd'huy constituez en aage viril, lequel aage avec la qualité que leur naissance leur donne, les convye pour la splendeur de la maison de laquelle ils sont issuz à supporter d'aultant plus grande despence, el affin qu'ilz aient plus de moyen de subvenir à icelle, et à l'entrelennement de leur grandeur, désireuse d'ailleurs de se moyenner quelque repos el descharger des affaires, debtes et procès, dont sa maison n'est exempte, a, par ces présentes, faict don entre vifs, pur et irrévo- cable, sans espérance d'aulcun rappel, ausdictz très hault et très illustres princes messires Charles, llenry et François de Loraine, ses enfanlz, ce stipulant et acceptant par ledicl mossire Henri de Loraine, à ce présent en personne, encors par le sieur Mcolas Bour- geois, delà sui lie el maison de mon d ici seigneur François de Loraine',

1. Nicolas Bourgeois, écuyer, était fils de noble homme Nicolas Bour- geois, écuyer et conseiller d'Etat de Son Altesse de Lorraine, et échevia

COMTESSE DE CHAI/GNY 7

et fondé de sa procuration spécialle au cas, passé pardevant Motaut et Bouchelet, notaires jurés à Verdun, le vingt-neufiesme de septennbre dernier, an présent, dont est apparu aux notaires soubsignez, et demeuré attaché avec ces présentes, pour y avoir recours quand besoing sera, ledict sieur Bourgeois, aussy présent, en personne, des chasteaux. maisons^ terres et seigneuries dudict Tliugny, Trugny, Seuil, Amagne, scizes en la cousluuie de Victry, de la terre et seigneurie de Biernies', seize en la coustume de Vermandois, circonstances et deppendances, d'une forest conte- nant quatre cens arpentz de bois ou environ, appelé communé- ment la forest de Grandchamps*, et des advouries de Donchery ', le tout sois en ladicte coustume de Viclry; du marquisat de Moy *, consistante au chasteau et maison dudict lieu, village dudict Moy Alaincourt', Maisières ", Sery près Maisières \ Benay ', prez, bois, moulins, circonstances et deppendances d'icelUiy marquisat, scis en la coustume de Saint-Quentin, avec les bois appelés les deux Buissons, scis dans les bois de Montecourl-LizeroIle'\ l'ung le bois de Moy et Taultre de Sain; des censés de Ribémont '" et Serge, de Régny", de tout temps joinctes à icelluy marquisat; de la baron- nie de Wiège •-, consistante semblablement en chasteau et maison seigneurialle, vilage dudict Wiège, Fati, Romery '•', Autreppe '^, Effry '5, bois, moulins, rivières, terres et domaines en deppen- dans; des terres et seigneuries de Saint-Richaumont"', avLC louttes

de la ville de Nancy. II épousa par contrat passé devant Barthellemy, notaire à Relhel, le 24 octobre 1623, dam'" Louise d'Escaunevelle, fille de honoré seigneur Jacques d'Escaunevelle, éouyer^ seigneur de Parpeville et de Coucv, capitaine du château de Thugny, y demeurant, et de défunte damoiselle Marguerite de Suzanne.

1. Thugny-Trugny, Seuil, Amagne et Biermes, canton et arrondisse- ment de Relhel (Ardennes).

2. Grandchamp (Ardennes), canton de Novion-Porcien, arrondissement de Relhel.

3. Donchery (Ardennes), canton de Sedan sud.

4. Moy, chef-lieu de canton, arrondissement de Saiut-Quenlin (Aisne).

5. Alaincourt (Aisne), canton de Moy.

6. Mézières-sur-Oise, même canton.

7. Sery les-Mézièies (Aisne), canton de Ribémont.

8. Benay (Aisne), canton de Moy.

9. Montescourt-LizeroUe (Aisne), canton de Saint-Simon, arrondisse- ment de Saint-Quentin.

10. Ribémont (Aisne), chei-lieu de canton, arrondissement de Saint-Quentin.

11. Régny (Aisne), canton de Ribémont.

12. Wiège-Faty (Aisne), canton de Sains, arrondissement de Vervin-.

13. Romery (Aisne), canton de Guise, arrondissement de Vervins.

14. Autreppe (Aisne), canton de Vervins.

15. Effry (Aisne), canton d'Hirson. arrondissement de Vervi:)S.

16. Saint-Hit haumont (Aisne), chîf-lieu de cmlon, arrondissement de Vervins.

8 l/lIÉRITAGE DE CI,\UDE DE MOY

leurs circonstances, le tout sois en la coustume de Ribémonl; des terres et seigneuries de Buzigny*. Honnechier^, et Becquigny^, au5sy en quoy elles se puissent consister et estcndre, scis scavoir : ladiete terre de Buzigny en la coustume de Hainault, celles de Becquigny et Honnechièr en la coustume dudict Rihéinont; de la terre chaslellegnie et seigneurie de Beauvaix en Beauvoisis, avec les vilages et despendances, et tout ce en quoy ladiete chaslelli- gnie se peult consisfer, scis en la coustume de Senlis, des terres et seigneuries de Saint-Denis-le-Tliiboult*, Ry % Grainville". Vacque- ville', Bucby', Sainte-Croix^, Saint-Martin '",Bosheroult", Boisboi- delle; du cliastcau, maisons, terres et seigneuries de Charlemes- nil*-, Aufregard, scis en la province de Normandie; et semblable- ment de tout ce en quoy lesdlles terres ci-dessus mentionnés se peuvent consister et eslendre, tant en argent, grains, poulies, chappons, moulins, bois, prez^ rivières, haulte justice, moyenne et basse, droits de fiefz et mouvances, présentation et nomination de bénélices et provision d'oftices et tous aultres droits et choses générallement quelconques, sans rien excepter, réserver, ny rete- nir de ce que ladiete dame et ses prédécesseurs ont accoustumé jouir ou deub jouir esdictes terres, mesmes de tous les meu- bles, et choses mobiliaires quy se trouveront esdictes maisons, et en quelque autre lieu que ce soit, appartenant à ladiete dame, desquelz elle a semblablement faict don ausdicts sieurs, accep- tant comme dessus, pour desquelles choses que ladiete dame a dict lui appartenir de son propre, et dont elle n'a rien allieué, jouir dès à présent user et posséder par lesdictz sieurs ses enfants à tousiours personnellement, en disposer comme de leur propre chose, et estre partagés entre eulx, suivant les coustumes des lieux lesdictes terres sont situées et assizes, et comme sy elle leur estoient advenues et escheues par le décès et trespas de ladiete dame leur mère, laquelle, d'abondant, pour les causes susdictes, a

1. Busigny (Nord), canton de Clary, arrondissement de Cambrai.

2. Honnechy (Nord), canton du Gâteau, arrondissement de Cambrai.

3. Becquigny (Aisne), canton de Bohain, arrondissement de Saint-Quentin.

4. Saint-Denis-le-Thiboull (Seine-Inférieure), canton de Darnetal, arron- dissement de Rouen.

5. Ry (Seine-Inférieure), même canton.

6. Grainville-sur-Ry (Seine-Inférieure), même canton.

7. Vacqueville, commune de Vierville-sur-Mer (Calvados), canton de Trévières, arrondissement de Bayeux.

8. Buchy (Seine-Inférieure), chpf-lieu de canton, arrondissementde Rouen,

9. Sainte-Croix-sur-Buchy (Seine-Inférieure), canton de Buchy.

10. Saint-Martin de Bocherviile (Seine-Inférieure), canton de Duclair, arrondissement de Rouen.

11. Le Bosc-Gruéroult (Eure), commune de Saint- Victor-d'Epine.

12. Charlemesnil (Seine- Inférieure), commune d'Anneville, canton de Longueville, arrondissement de Dieppe.

COMTESSE DE CHALIG.NY 9

ceddé, quitté et remis, et pai' ces présentes, cedde, quille et remet, audiclz sieurs ses enfantz, acceptans comme dessus, touttes les conventions niatrimonialles et droict de douaire quy luy estoit esclieu par le décès dudict feu sieur comte, son maril et qu'elle avait droict de prendre sur les biens desdicts sieurs ses enfanU, soit par vertu de son contract de mariage, droict de coustume ou aultrenient, lesquelz en demeureront dès à présent quittes et des- chargés à jamais. Geste présente donnation faicte par ladicte dame i mesdiclz seigneurs ses enfantz, pour les causes et raisons sus- dictes, et pour la bonne amour et sincère alïection qu'elle leur porte. Le tout aux charges et réservations cy après déclarés, assçavoir de payer et acquitter par mesdiclz seigneurs, ses enfantz, toutes et chacunnes les dettes et charges, tant personnelles que réelles, ou foncières, dont madicte dame et sesdictz biens peuvent estre chargés et desquelles pareillement la généralité vauldra aul- tant que l'expression spécialle et particulière qui en eusse peu être faicte, et oultre ce de fournir par eulx annuellement à madicte dame, leur mère, au lieu de Charleville, sa vie naturelle durante, ou de aultre lieu qu'il plaira à ladicle dame, la somme de trois mil six cens livres tz, en monnoye coursable, en royaulme de France, selon les édictz royaulx, en quatre paiemenlz égaulz, de trois en trois mois, à commenser le premier paiement de neuf cens livres an jour de Pasque prochain, en considération que madicte dame s'est réservé tout son revenu escheu et a escheoir jusques au jour et terme includ de Noël prochain, excepté le revenu dudict mar- quisat de Moy et ses despendances, duquel mesdiclz seigneurs ses enfantz jouiront à commenser le premier jour du présent mois et an. Au paiement et fournissement de laquelle pention annuelle, aux jours et termes susdiclz, mondict seigneur le marquis dudict Moy, tant en son nom que pour mesdiclz seigneurs, ses frères, desquelz il s'est porté fort, acceptant la présente donnation, a accepté et obligé, alfecte et oblige tous leurs biens présenlz et a venir solidairement, et chacun pour le tout, sans division, ny dis- cussion, renonçans ausditz bénétices qu'il a déclaré scavoir, et spéciallement les biens que madicte dame, leur mère, leur donne, cy devant déclarés, et chaccunne piesse d'iceulx pour le tout, sans desrogation de la spécialité à la généralité, ny de la généralité à la spécialité. Comme aussy lesditz biens donnés demeureront affectés à l'acquit desdicles debtes et charges, tant personnelles que réelles. Consentant que madicte dame ou le porteur de sa procuration puisse contraindre les recepveurs et fermiers desdictz biens donnés, et chacun pour le tout, au paiement de ladicte pen- sion, sans aultre mandement ou consentement de mesdicts sei- gneurs et que les acquitz d'icelle et de son procureur vallent comme les leurs propres, sans que lesditz biens donnés, ny aulcun diceulx, puissent eslre aliennés sinon à ceste charge, et sans aulcune nécessité de discution, comme estant la présente donna- tion faicte sinon à ceste loy et condition expresse. Outre laquelle

|li I.'lIKUlTAOE DE CLAUDE DE MOT

peiilion inondict scifrneur marquis, esdicts noms, et ledit sieur Hourçeois, audiol nom, oui promis et promeltent, soulz pareille loix el obligation, fournir à madicte dame, leur m^re, pour une t'ois, la somme de trois mil livres tournois, à sa première requeste ot volonté. Et sy s'est madicte dame leur mère réservé son loge- ment et retraicte audict cbasteau deThugny, honnestement meu- blés, pour elle et sa suitte, en son cartier ordinaire, touttes et quant fois qu'il plaira aussi à ladicte dame. Accordant de plus mon- dict seigneur marquis, et ledict Bourgeois, esd. noms, qu'à faulle de paiement de quelque terme de ladicte pention, ou de ladicte somme de trois mille livres tz, pour une fois, par quelque empes- cliement que ce puisse estre, soit de créantier saisissant, ou aultre, dedans trois mois après les sommations de madicte dame, faictes audict cbasteau de Thugny, pour cest effect niondict seigneur marquis et ledict sieur Bourgeois, esdictz noms, eslizent domicilie irrévocable, et subisent jurisdiction au siège ducal de Relel, pour tout ce quy despend des présentes. En ce cas il est et sera loizible à madicte dame, sans aultre formalité de justice, adjournement, ny sentence, demander, avoir, et recepvoir, de en avant ladicte pension de trois mil six cens livres tz, deubte par cbacun an qui seront sept mi!z deux cens livres par an, et par les mesmes loix, obligations et charges que dessus. Et demeurera ladicte pention exteinle de tout par la mort naturelle de madicte dame, sauf tout- tefois que sy la dame d'Aubilly, baronne de Cbaulmont, la survist et demeure en viduité, mondict seigneur le marquis, et ledict sieur Bourgeois, esdictz noms, de l'ordonnance de madicle dame, leur mère, et soulz pareilles obligations, tant personnelles que réelles, promectent de fournir, en ce cas, à ladicte dame d'Au- billy, aussy présente et acceptante, sa vie naturelle durante, la pention annuelle, de la somme de six cens livres tournois, payable comme dessus, de quartier en quartier, par quatre portions égal- les, en la ville de Rethel. Et pour requérir l'insinuation des pré- sentes, partout besoing sera, et faire les vesture et devesture, et nemptissement requis, ont, madicte dame, mondict seigneur marquis, et ledict sieur Bourgeois, esdictz noms, constitué leurs procureurs, les porteurs d'icelle, auxquelz ilz ontbaillé et baillent pouvoir ainsy le faire requérir, consentir et accorder et de faire toute aultre chose que audict cas requiert et appartient. Promet- tans madicte dame, et mondict seigneur marquis, en parolle de prince et princesse, et ledict sieur Bourgeois, audict nom, par sa foy, et obligeans respectivement leurs biens, à tenir, entretenir, paier, fournir, satisfaire, et accomplir le contenu cy dessus, l'une des partyes envers l'aultre, chacunne à son regard sans y desfail- lir, el encores mondict seigneur marquis, et ledict sieur Bourgeois, en leurs pures et privés noms, de faire agréer, coroborer, con- sentir et accorder lesdits présentes, par mesdictz seigneurs Char- les et François de Loraine, et à l'entretennement, paiement et satisfaction de la pention réservé par ladicte dame, payable comme

COMTESSE DE CHAI.ICiNY H

dict est, et salisfaclioii des aiillres charges cy devant déclarés, leS' faire obliger avec niondicl seigneur marquis en leurs biens soli- dairement, avec les renonciations requises, en peine de tous des- pens, domages et inlércstz, savoir pour niondict seigneur le prince François, dans d'huy eu quinze jours, et pour le regard de mondict seigneur Charles, dans d'huy en six mois.

Fait et passé au chasteau diidict Thugny, les huit heure? du matin. Lundi, second jour d'octobre mil six cens vingt trois. Et ont lesdictcs partyes comparantes comme dessus, signé ces présentes, lecture faicte, avec notiflication de faire sceller cesdiles présentes, suivant le règlement.

Signé : Ci.aide de iMov.

HENni DE LoRUAiNE, marqiiv de Mot. N. Bourgeois. Renée Da.noy.

TuoMAS et Barthellemy (notaires). Scellé ledit jour.

ir. Procuration par François de Lorraine.

(Annexe à l'acte de 'lonalion.)

Par devant nous, notaires jurez à Verdun soubsci-iptz, fut présent lllxmeet Rx"« prince monseigneur le prince François de Loraine, evesque et comte dudict Verdun, prince du Saint-Empire, lequel a faict, créé, nommé, constitué et estably pour son procureur général et spécial, le sieur Nicolas Bourgeois, de la suitte et mai- son de mondict seigneur, présent et acceptant, auquel seul et pour le tout il a donné et donne, par cestes, plain pouvoir, puis- sance, auctorilé et mandement spécial de comparoir, pour luy et en son nom, par devant tous juges, et aullres personnes qu'il appar- tiendra, sa personne y représenter, et par espécial de prendre et accepter, pour et au nom de mondict seigneur, la cession, trans- port et démission qu'a faict, pour et à son profit, haulte et puis- sante princesse madame la comtesse de Chaligny, sa mère^, de tous et uns chacun les biens tant meubles que immeubles qu'elle ait et tient présentement, en quoy ils puissent consister, et en quelz lieux et pa3's ilz soient situez et assiz, du tout en prendre et appréhender la possession réelle et actuelle, et généralement faire, en ceste aliaire, pour mondict seigneur, comme il feroit si présent en personne y estoit, savoir que le cas requist mande- ment plus spécial qu'il n'est ici exprime. Promectant mondict sei- gneur, en parolle de prince, et soulz l'obligation de tous ses biens présents et advenir, de tenir et avoir pour aggréable, ferme, et stable, tout ce que par ledict sieur Bourgeois, son procureur, sera deument faict aux choses que dessus et leurs despendances. Faict et passé audict Verdun, en l'hostel episcopal de mondict sei- gneur, environ les cinq heure? après midy, l'an mil six cens vingt

12 I.'hÉRITAGE de CLAUDE DE MOY

trais, le viiii^'l-iieiivit-iiic de seplembre, et a mondicl seigneur

signé.

Signé : François de Lorai.ne.

BoL'ciiELEï et MoTAULT (notaires).

m. _ Quittance par la baronne de Chaumont.

Ce jourd'liiiy vendredy, dix-septième de novembre, mil six cens vingt huict, après midy, est comparu, par devant nous notaires royaulx, héréditaires en Victry, demeurans en la ville de Rethel, soubsignés, M' Claude Leuiller, procureur au siège ducal de Ilethel, y demeurant, porteur de certain acte de descharge, passé par dame Renée Dannois ', vefve de defîunct messire (Charles de la Haye, vivant baron de Chomont, seigneur d'Aubilly, passé par devant Thomas et Leuilier, notaires royaux audict Relbel, cedict jourd'huy; par lequel appert ladicte dame avoir quitté et remis à haullz et illustres princes messires Charles, Henri et François de Loraine, enfantz de delfuncte haulte et illustre princesse Madame Claude de Moy, comtesse de Chaligny, marquise de Moy, etc., la somme de six cens livres tz de pention annuelle, à ladicte dame baronne de Chomont assignée par ladicte delFuncte dame Claude de Moy, par le contrat escript au blanc des présentes. Cedict quit- tement par elle faict moyennant la somme de dix huict cens livres tz qu'elle a confessé par ledit acte avoir receu, dont elle s'est con- tante, consentant la présente en eslre deschargé. Et pour ce faire donne pouvoir audict porteur ainsy le requérir, consentir et accorder, ce que ledict M'= Claude Leuilier, audict nom, a requis vouloir faire et transcrire autant duJict acte pour servir à ladicte descharge, et ausditz seigneurs messires Charles, Henri et Fran- çois de Loraine, ce que de raison. Obtempérant à laquelle réqui- sition nous avons transcript ledict acte dont la teneur en suit :

Comparut en sa personne honnorée dame Renée Danois, baronne de Chaumoiit, vetve de delfunct messire Charles de la Haye, vivant chevalier, seigneur d'Aubilly, demeurant à Givron, estant à Rethel. Disant que, par contrat faict et passé par devant Tho- mas et Barthélémy, notaires royaux audict Rethel, en datte du second jour d'octobre mil six cent vingt trois, feue très haulte et illustre princesse Madame Claude de Moy, comtesse de Chaligny, marquise de Moy, etc.auroit, entre aultre chose, donné à ladicte dame baronne, la somme de six cens livres tz, la vie durante de

i. Honoré seigneur Charles de la Haye, chevalier, baron de Chaumont- Porcien, vicomte d'Aubilly, gouverneur pour Monseigneur le duc de Nevers, en sa ville et souveraineté de Charleville, demeurant à Oivron.

L'une de ses filles, Charlotte de la Haye, marquise des Ayvelles et de Ghaumont, épousa messire François d'Ambly, chevalier, marquis desdits lieux. Elle mourut au château de Chaumonl-Porcien, le 11 mai 1672, et fut inhumée dans l'église de ce village.

COMTESSE DE CHALIGNY 13

ladicte dame comtesse, et après son décès, très haultz et illustres princes messires Charles, Henry et François de Loraine, ses enfants, paier et continuer le paiement de ladicte somme, la vie durante de ladicte baronne, de pension, et par chacun an de quartier en quartier. Et recongnut icelle dame baronne avoir volontairement quitté et remis, et, par ces présentes, quitte et remet auxdictz seigneurs princes Charles, Henri et François de Loraine, absentz. ce stipulant et acceptant pour lesditz seigneurs par M" Pierre Dombal, leur recepveur, à ce présent en personne, ladicte pension annuelle de six cens livres tz, ainsy à elle promise par le susdict contrat, sa vie durante, et en tient quitte et des- charge lesdiclz seigneurs princes, et tous aultres. Et ce moyen- nant la somme de dix luiict cens livres tz, laquelle somme de dix huict cens livres tz, icelle dame, baronne de Chomont, a confessé avoir eu et receu, desditz seigneurs princes de Loraine, et dont elle s'en tient pour contante et bien payé, et en quitte, par ces dictes présentes, lesdictz seigneurs princes de Loraine, sy comme, promettante ladicte dame baronne, par sa foy,et obligeans biens, tenir quitte et avoir pour agréable le contenu cy-dessus; sur peine, etc. Consentant la présente estre endossé sur la minutie dudict contrat dudict second jour d'octobre mil six cent vingt trois, sans qu'il soit besoing de sa présance. Et pour ce faire, elle a donné et donne pouvoir et puissance aux porteur de ces dictes présentes et d'y faire tout ce que besoing sera. Et ont ladicte dame et ledict sieur Dombal signé les présentes, lecture faicte d'icelles, et nolifiication de l'eddict pour l'apposition du scel. Ce fut faict et passé audict Relhel, le vendrcdy, avant midy, dix-sep- tiesme jour de novembre, mil six cens vingt hui^t, par devant nous, notaires royaulx héréditaires au bailliage de Viclry, soubsi- gnés, au domicile de Nicolas Baraquant, M" appoticaire. Signé : Renée de Dannois, Dombal, Thomas et Leuiller. Dont ledict M^ Claude Leuiller nous a requis de luy octroyé et rendre ladicte minutte, les jour et an que dessus, et a signé ces présentes. Signé : Lueiller.

Bauthélemy et Lueiller (notaires).

IV. Donation par le marquis de Moy au prince de Ligne, son neveu.

Pardevant nous, Jean Pauffin, et Nicolas Barthélémy, notaires garde nottes du Roy héréditaires en son bailliage de Victry, demeurant en la ville de Rethel-Mazarin, soubsignez, estant au chasteau de Thugny-en-Rethellois, mandez pour l'effect des pré- sentes, comparut en sa personne très hault et très puissant prince Monseigneur Henri de Loraine, marquis de Moy, comte de Cha- ligny, estant de présent en son chasteau dudit Thugny. Lequel de sa bonne volonté et consentement, et pour causes justes et

14 l'hEUITaGE Dli CLAUDE L»K MOT

légililnt'^, a donné, cedde, quille cL transporté, par ces présentes, à hault et puissant et tn-s illustre prince Claude La Moral, prince de Ligne, d'Amblize et du Saint-Empire, son neveux, demeurant ordinairemeut au pays d'Hainault,en sa maison de Bellevil, estant aussy de présent audit cbasteau de Thugny, ce acceptant en per- sonne, pour luy, ses hoirs, successeurs, et ayant cause, tous les meubles meublans, à mondiot seigneur marquis appartenans, en quelques lieux qu'ils soient, soit en France, en Lorraine ou autres parts. Pour en jouir par ledit seigneur^prince de Ligne donnataire, dés à présent, comme à luy appartenant, et en disposer ainsy qu'il trouvera à propos. Consentant à cette lin mondit seigneur marquis de Moy, que ledict seigneur Prince de Ligne, son neveux, s'en mette en possession réelle et actuelle, déclarant mondict sei- gneur le marquis que dès à présent il recognoist ledit seigneur prince de Ligne, son nepveu, donataire vray et actuel pocesseur desdicts meubles meublans, en quoy qu'ils puissent consister, et en quelques lieux qu'ils soient, comme dit est. Et par plus ample et eûective tradition, accorde que ledit seigneur donnataire se saississe et met en pocession desdits meubles meublans. Et à ces lins, mondit seigneur le marquis a constitué le porteur des pré- sentes sou procureur général et spécial, et irrévocable, pour en faire ia tradition, es-mains dudit seigneur donnataire, son neveux, ou de ses procureurs et à son ordre. Et a ledit seigneur prince de Ligne, donnataire déclaré qu'il accepte la présente donnation et tradition desdils meubles meublants et de quoi il se contante. Et a pareillement ledit seigneur donnataire constitue le porteur des présentes son procureur spécial, pour requérir et prendre ladite pocession et acceptation desdicts meubles meublans. Lesquels ledit seigneur donnataire a donné aussy pouvoir au porteur des présentes, remettre, sy besoin est, entre les mains des officiers de mood. seigneur le marquis de Moy, pour son service et usage, aultant de temps qu'il plaira audit seigneur prince de Ligne, donnataire, :ans que ledict usage soit et puisse estre réputté, et à la proprietté qu'en a ledit seigneur prince de Ligne donnataire, en vertu de la présente donnation, auquel ils seront rendus comme à luy appartenans quand il les requerra et jugera à propos, sy comme et dont et prometlans. Les parties obligeans respective- ment leurs biens et à tenir et avoir pour agréable ces présentes à tousjours réciproquement.

Fait et passé audict cbasteau de Thugny, avant midy, le vingt cinq"* seplemlire, mil six cens soixante six.

Et ont les parties signé lecture faitte, noltilié le sel.

Signé : Henri de Lorraine, marquy de Moy. Le Prince de Ligne. Paikhn et Barthélémy (notaires).

EXCURSION DANS L'ARGONNE

(2Q-3i Août i8g3)

PAR UN RÉMOIS

DE REIMS A APREMONT. VARENNES, LA CHALADE ET LES ISLETTES. CLERMONT-EN-ARGONNE. SAINTE->]ENEHOULD ET VALMY.

Notes d'un Touriste et d'nn Archéologue

PRÉAMBULE

L'Argonne.

A Reims, le lourisle u'a pas le charme des promenades pro- chaines, el c'esl seulement aux chemins de fer qu'il doit de pouvoir entreprendre, sans fatigue ni dépense, de très agréa- bles excursions dans la contrée voisine. Au sud, il atteint rapidement la Montagne de Reims, dont la forêt compte tant de frais détours et de vues délicieuses depuis Verzy jusqu'à Châtillon-sur-Marne. Au nord, il franchit les plaines arrosées par la Suippe et la Retourne pour gagner les rives verdoyantes de l'Aisne, mieux encore les bords escarpés de la Meuse et de la Semoy, les sites grandioses se déroulent tour à tour devant ses yeux tant en France qu'eu Belgique. A l'est, deux voies le conduisent aujourd'hui vers l'Argonue, région moins connue, moms imposante que les Ardeunes, mais remplie cependant de perspectives attrayantes et féconde en sou- venirs historiques, en monuments et en curiosités. Pour qui douterait de l'intérêt en tous genres de ce dernier but, nous allons retracer les péripéties d'une course de trois jours dans l'Argoune, au départ de Reims par Apremont. et au retour par

Ifi EXCURSION DANS L ARGONNK

Valmy. Les écoliers en vacances, comme les hommes mûrs, y ont trouvé leur compte, et c'est à tous les amis de la nature et de l'histoire que nous dédious le récit de noire exploration. On y trouvera un mélange de narration descriptive et de recher- ches épigraphiques, le culte de l'érudition alternant avec celui du paysage, le tout sans autre prétention que de rendre compte d'une agréable traversée en montagnes.

Il ne s'agit pas ici de décrire l'Argonne entière, ce pays bien connu des géographes et des historiens, pays caractéristique par ses mamelons boisés et ses déiilés, limitrophe des anciennes provinces de Champagne et de Lorraine, comme il l'est encore des départemeuts des Ardennes, de la Meuse et de la Marne. Visiter d'un bout à l'autre cette étroite et longue région, de Beaumont-en-Argouue à Givry-en-Argonne, ce serait un voyage aux étapes variées et nombreuses, qui nécessite- rait du temps et la connaissance exacte de bien des loca- lités. Nous voulons uniquement indiquer le parcours de quelques stations à divers points intermédiaires entre les vallées de l'Aire et de l'Aisne, ou, si l'on veut, entre les deux lignes ferrées dont nous parlions plus haut au départ de Reims. La dislance d'Apremont aux Isleltes est de six lieues environ, et celui qui la franchit à pied peut juger du pays tout entier. La forêt n'a pas seule les honneurs du voyage, il y a des vil- lages, de petites villes, des édifices, une ancienne abbaye à voir. La visite de Varennes, de La Chalade et de Clermont offre matière aux recherches historiques, de même qu'à d'in- téressantes descriptions, et le retour par Sainte-Menehould et Valmy complète un ensemble qui ne manque ni de charmes ni de variété.

1. De Reims a Apremont par Ghallerange. Grandpré et la vallée de l'Aire.

Ceux que ont lu jadis une relation du regretté dessinateur rémois J.-J. Maquart sur son excursion aux Monts de Cham- pagne avec itinéraire de Reims à Grandpré, n'ont pas oublié le contraste qu'il établit si bien entre le désert des plaines crayeuses qui s'étendent d'Auberive à Séchault et la fraîcheur des vallées de l'Aisne et de l'Aire à leur confluent "". Depuis, d'illustres écrivains, Taine et Theuriel notamment, ont dépeint à nouveau ce contraste entre les paysages de la Champagne et ceux de l'Argonne en des pages bien connues. Taine sur-

1. Séances el Travaux de V Académie de Reims, t. VI, p. 289 à 302.

DK UKIMS A Al'REMONT Î7

tout a Iracô un tableau enchanteur de la vue qu'il découvrait avec plaisir des hauteurs monotones de Bourcq vers Le Chesne et Grandpré, quand la lourde diligence le ramenait, jeune collégien, de Paris à Vouziers, sa ville natale. C'est de cet endroit qu'il comparait les plaines de Champagne « k un vieux manteau de roulier qu'on aurait crevé par place et rac- commodé avec des lambeaux d'une autre étoffe «. C'est frap- pant de vérité, de môme que sa peinture de l'Argonue, « l'on retrouve toujours les tètes rondes des chênes, les files d'arbres étages et la senteur de Félernelle verdure' ".

Après ces maîtres, nous ne tenterons pas de retracer nos impressions en un langage terre-à-terre. D'ailleurs, le chemin de fer a amélioré même le trajet en Champagne, en reportant au fond des vallées une roule qui se faisait naguère sur des plateaux dénudés, et ces plateaux eux-mêmes ont gagné une teinte de pittoresque verdure en se couvrant çà et d'im- menses gaieunes de sapins.

Prenons donc, au delà du mont de Berru et de AVitry-les- Reims, la ligne de la Siiippe les villages et les bourgs se pressent entre deux haies de grands peupliers. On en compte dix de Bazancourt à Doulrien, la voie ferrée s'engage dans la vallée de la Py, affluent de la Suippe qui arrose quatre vil- lages, y compris celui de Sommepy, ainsi nommé parce qu'il voit naître le ruisseau-. De Sommepy, une autre petite vallée, celle de l'Avègre, s'ouvre bientôt à la Hmite du département des Ardennes et s'élargit vers Challerange, la plaine appa- raît vaste et verdoyante à proximité de l'Aisne. Désormais, les prairies vont s'étendre au premier plan, les arbres fruitiers mélangés aux vignes (hélas! bien décimées) garniront les coteaux dont la cime est recouverte des arbres ou des brous- sailles de la forêt. On a eu face de soi la perspective de l'Ar- goune, ])artout la même, avec ses hauteurs presque égales et ses détîlé^^. autrefois traversés de sentiers tortueux, el mainte- nant sillonnés de roules parfaitement tracées et entretenues, même de chemins de fer dans quelques vallées.

Challerange est un point d'arrêt obligatoire, car il possède une gare avec bifurcation à la rencontre des lignes d'Apremont

1. Les Ardennes illustrées, par Elizée de Montagnac. Paris, Hachelte, 1868, t. I, introduction par H. Taiue, p. 13 à 16.

2. Dictionnaire topographique du département de la Marne, par A. LoDgnou, p. 13.

18 EXGtRSlON DANS I.'aIIGONNE

l'I de Saiiile-Meiiwhould Uue deiiii-lieurt' suCfilpour se reudre au village la carie de Cassini indiquait uu château et uue église. De r.incieu château, dont Jeau Hubert signalait les ruines ', nous n'avons rien vu, el. de l'anciiMinc église, rien non plus ne subsiste davanlajze : elle a été icnijjlacée réceniuient par uu édifice en |iieire el briques dont rintéii'ur n'est pas m.d réusFi, mais (|i!i manijui; de souvenirs hisloiijuoi; ; on y a cependant replacé, dans 1 s murs du fond du IraiicCfit, deux belles piscines du xvi*^ siècle ai radiées au moiunient disparu. Les vieilles maisons d'.i village sonl eonsliuiles les unes en briques, les antres en btjis, el il le-le de ces dt rnières quel(|ues cniieux spécimens avec éiage^ en encoib^llement, poulres saillanles ornées de lète.- el il'écust-oiis.

De Challerange, le trajet est 1res court jour aUeimbe, près de Senuc, le confluent de l'Aire il dr lAibue; ces deux rivières sont d'égale laigeur à pvu pi es, bien que l'Aire ail eu uu cours plus long, elles pnunaienl dune ^e di^j)Utcr lu préé- minence, d'où 11' diclon

Entre Ternies et Mouron. L'Aire perd fion nom Kl l'Aisne l'ap/ielh^-t un.

Termes est la [)airie de M. .iamin, le célèbre membre de rinslilut. professeur à la ^Sorbouue, auquel la physique moderne est redevable de tant de progrès et d'apiilications. C'est un villaL:e bien placé au bas de riches coteaux sur les bords de l'Aire. Ou y dislingue la maison iialtde du savaut, le vieux toit eu tuiles sous lequel il aim.iil à venir se reposer el que possède eucore sa famille.

Grandpré est pioche, c'est la ca[)ilale d'un ancien comlé fam.eux et le chef- lieu du canton moderne : ou y aperçoit en passant ce qui sub^riste du superbe mauoir des Joyeuge, recoustruil en paHie par le propriétaire actuel, depuis le ter- rible incendie qui le consuma en 1834, alors (|u'il apparteuait à M. de SémonviUe. Ou aperçoit aussi, plus bas, d'élégan- tes coustruclious modernes qui semblent vouloir rivaliser avec la demeure féodale. En avant, se dressent la flèche el la tour de léglise du prieuré de Sainl-Médard, presqu'eu- tièrement restaurée, mais l'on a conservé quelques tombes des anciens seigneurs, et le beau cénotaphe en marbre de Claude de Joyeuse, gouverneur de Mouzou el de Beaumout-

1. Céograiilite historique du deparlcmcnl des Ardennes, par Jtan Hubert, \S'i,6, p. 480.

DE aitIMS A APRi MONT 19

eu-Argouue, au sommet duquel on lit celle mélancolique seu-

teuce :

Tout ce que la tfrrc nourrit Finaltement elle le pourrit ; En tout ce que lliomrne abonde Il nn que sa vie en ce monde. Et quand il a passé son temps H n'a gaigné que ses despens.

La lamillc de Joyeuse avail gigiié mieux que ses dépeuf. par SCS services mililaires, et s'était implantée îolidemenl dans toule celle région, à Saiut-Laniberl, à Verpel et à Grandpré'.

Eu leuioulaut la vallée de l'Aire, le paysage s'einbellil encore, el les villoges aboudent sur les deux rives : sur la rive gauche, c'est d'il bord Saint-Juviu avec son église cantonnée do ijualre tourelles d'angle comme une forteresse, puis Flé- ville ([ui moulrc dans la verdure la flèche de c^on église moderne et la silhouelle de sou ancien manoir appartenant à la i'.unille de Coudenhove ; i;!i peu plus loin Chéhéry. abbaye cistercicniie, tiansloriiiée en une belle babilalion de plaisance, qui présente sa façade mouumenlale du xviii'' sièolc el laisse tieviuer une décoraliou iulérieurc jjien éloignée de tainl Ber- nard, bur la rive dioil-', après Ciicvières et Marctf, voici Coriiay, jadis siège d'une illuslre barouuie dout la forteresse n'existe plus; c'est une croix qui domiue le mamelon le plus élevé de ce .sile pilloresiiue d'où l'on jouit d'une perspective admirable ; ensuite, Châtel s'élage sur les flancs du coteau, montrant d'agréables résidences el un vieux chàleau entouré de beaux aibres.

C'est dans ce village, il avait été notaire, qu'un biblio- j'hilc rémois très dislingué, M. Auguste Maille, avail sa maison de campagne.

Pas de fialte à Chàlel. Eucore uu délour el le traiu s'arrête au bas du village d'Apremonl, resté lète de liguejusqu'ici d'un embranchement qui païaîl devoir se prolonger vers Varennes et la Meuse.

Aprcmoul, c est bien la rudesse et Tàprelé du coteau qui veut devenir inonlagne : le regard monte de la gare vers la hauteur se dres.=ent, en avant des maisons du village, l'église, la mairie el l'ancienne résidence seigneuriale aujour- d hui délabrée et sans prestige. Tandis que la roule gravit la pente par un lacel, le vo3-agour allègre escalade le somniel par

I . Chruuiqur; de la idle et des comles de Grandfiid, par Miroy, j'Jj^c de fiaix (lu canloD, ts:î9, in-8', p. '.Ht à HI2.

20 EXCURSION DANS l'aRGONNE

uu sentier à pic. que coloye un lit pavé pour le lorrenl qui se précipite de la forêt à la foute des neiges. On n'a point perdu ses peines, dans celle ascension, eii découvrant l'horizon qui se déroule au delà de lélroile gorge coule l'Aiie en cet endroit.

La mairie d'Apremonl est un grand bâtiment moderne, construit dans l'axe de la rue principale et que surmonte un campanile avec l'horloge communale. L'église est en. regard, d'aspect moderne aussi, bien que vieille d'un peu plus d'un siècle, et sans autre mérite que sa belle dimension et sa con- venance pour le culte. Le chœur, assez profond, est plus récent que la nef qui est soutenue par une double colonnade. Le por- tail, régulièrement et solidement bàli dans le si vie du dernier siècle, soutient un clocher aux formes bulbeuses. Ce clocher renferme Irois cloches dont les deux moindres sont fêlées depuis longtemps par la faute de carillonneurs maladroits ; elles perlent, toutes trois, avec la date de 182G, le nom des notabilités locales d'alors, ceux de MM. Ponce Collot, capi- taine retraite et maire, Dumay, curé; N. Gaurrier, chevalier de Saint-Louis, et enfin celui des fondeurs bien connus dans la région, Chevresson et Bague.

A l'intérieur, l'édifice ne présente nul vestige historique, si ce n'est deux grandes dalles eu marbre noir, dans le pavé de chacune des basses nefs, offrant les armoiries et l'épitaphe de membres de la famille de Salse qui possédait encore de nos jours un important domaine foreslier à Apremont'. Nulle part ailleurs dans le village, nous n'avons rencontré de traces anciennes, ni dans les rues, ni au cimetière établi en dehors sur la route de Chàlel. L'aisance parait régner dans ce village laborieux qui tire un grand profit des richesses afTouagères de la commune.

La population vit de travaux forestiers et champêtres, non moins que des ressources qu'elle tire d'une usine métallur- gique; éiablie de vieille dale sur l'Aire. Autrefois, cet éta- blissement s'alimentait du fer trouvé dans la contrée, mais par suite des modifications apportées partout dans l'outillage, il met eu fusion aujourd'hui du métal déjà employé, et fabrique surtout des pièces pour l'exploitation des chemins de fer. La rivière, très basse en ce moment, ne peut remplir sou office

I. Irtscriplions anciennes de VarromUsf^emenl de Vousiers, par le D' Vincent, Reims, Malut, 1892, io-S", voie la notice sur Apremont et les deux inscriptions des comtes de Salsc, p. 23 à 26. Consulter ce bel ouvrape sur tous Us viUag.^s que nous avons cités.

VARENNES 21

de muleur, et c'est la vapeur qui procure la force nécessaire aux machines. M. Bauuy, maire d'Apremoul, directeur de celte usiue, nous l'a fait visiter avec uue parfaite obligeance, en compagnie de M. l'abbé Roze, curé d'Apremout.

Le terroir d'Apremout contine aux départements de la Marne et de la Meuse : d'un côté, à travers la forêt qui domine la crête, une route conduit à Binarville dans l'arron- dissement de Sainte-Menehould; du côté opposé, s'étend la vaste région meusienne que domme sur sa butte circulaire la petite ville Je Monlfaucon-ea-Argouue '. En remontant le cours de l'Aire, on aperçoit sur des monticules opposés les villages de Bciulny et de Monlbiainville, au delà desquels on aboutit en une heure, par une roule très directe, à l'ancienne et inté- ressante petite ville de Varennes.

II. Varennes, la ville haute et la ville basse, l'église, la mairie et les souvenirs de l'arrestation de Louis XVI.

Le plus bel aspect de Varennes est celui qui se présente au voyageur venant d'Apremont, à cet endroit la vallée de l'Aire s'élargit et forme un cirque très régulier dont la ville, haute et basse, occupe le milieu. Des vignes, des vergers, des jardins garnissent le pourtour sur des pentes presqu'à pic, tandis qu'une prairie verdoyante et des champs cultivés remplissent la vasle plaine. Les maisons de la ville haute s'étageut jusqu'à la rivière qui sépare les deux villes, et un clocher pointu émerge de la ville basse qu'entourent encore quelques traces des fossés, vestiges d'anciens remparts. On sent que Varennes, aujourd'hui simple chef-lieu de canton, eut son importance dans la contrée et contint des juridictions d'un ressort étendu'.

1. Mont faucon- en- Argonne, par Claude Bonnabelle, ia-8° de 50 pages [Journal de Monlmédy, 1888). Histoire de Montfaucon d'Argonne depuis son origine {397} jusqu'à nos jours, par l'abbé Pognon, Sedan, 1890, in-8° de 60ô p. avec planches. Avant le Concordat, Montfaucon, comme Dun, faisait partie du diocèse de Reims.

2, « Par lettres patentes du mois de janvier 1G77, Louis XIV supprima les trois baillages de Clermont, Slenay et Jametz, et pour tout le ,Cler- monlois en établit un seul à Varennes, lequel était régi par la coutume de Clermont, rédigée en lo7'2, et ressortissait au Parlement de Paris. » His~ toire générale de la Champagne et de la Brie, par M. Poinsignon, 1886, t. III, p. 72. En 1790, Varennes était encore le siège du Tribunal du district de Clermont,

2'1 V\CVH<\OS ItANS ;. Al<n(tNNE

(lelle di^J)0^•ilion de ville en deux parties esl Ir^s tVéqiieule ilans celle région frontière; nous la retrouverons à Clermonl, elle existe à Sainte-Meiiehould, à Montmédy, et en général la ville su[)éneure diminue au profil de celle du bas, d'un accès plus facile et à jiroximilé des roules. A Varennes, les deux parties paraissent s'équilibrer comme importance, el sont l'une el l'aulre Iraverf^ées par les roules. La ville haute esl d'ailleurs sur une penle bien adoucie : elle contient deux places, la plus élevée, dile du Château, ou Place Veile, est encadrée de tilleuls el bordée d'anciennes maisons de la bour- geoisie; eu face, s'étendait un couvenl d'Auuonciades; l'aulro place offre sur la gauche la ^laiiie, édilice peu ?aillaiil', el la lour d'une église détniile, conv(M-lie en befïroi communal. Celte lour peu élevée, appartenait, nous a-t on dit, à l'égli-e riaiut-Gengoull qui était celle de la ville haute. Un cimetière y aliénait sur la place actuelle. La cloche conservée dan-s U lour n'est pas celle qui donna l'alarme à l'anivéode LeuieXV'L Elle fut refondue en Fan II et sert pour les gonneries civile*. Elle annonce égalemenl les rérém.onies du culte.

La ville haule communique avec celle du has par uu poul sur l'Aire, dont le lit, liés large, s'étend à pioximité dUu imporlaut moulin que nous voyous éclairé la nuit par l'élec- tricité. La vue e^t trè.s pittoresque en Qel endroit, leg rives sont ombragées de beaux arbies et garoies duu^ doubliî raugée de vieilles maisons en bois, quelques-unes avec balcon. Un couvenl de Co'dflicrs existait du côté de !a prairie; supprimé en 1790, il iTeii subsi.-te aucun vi sljge".

Le seul monument do la ville basse isl l'église, qui s'élève au centre dune vasto place rectangulaire d aspect liés [iropre

1 . C'est à la \Jairie que Ton consulte !e document unique. pubKé sous ce liire : Procèi-verbal authentique de Fai restation du roi Louis XVI et de sa famille û VO/rennes, copie leoctuelie de l'original déposé dans les Archives de la municipalité de l'on-w/irs (liré à 100 exeinplRires;. \'(tiisiers, F/amant-Ansiaux, 1851, in-S» de 16 pages. AtluelleiDenl, nous a-t- on dii, il laul payer tue lélribulion jjour prendre copie de celte pièce, njjiis cela est inutile depuis la publication de M Victor Fournel qui a scruté tous les registres cl dossier» de.-* .-\rcliives do \''areiines.

2. Ce couve:il et celui des Annonci^des lurent donnés it la ville Varennes, le 18 août 1791, par déi ret da l'Asserrjb'ée neiionale, ain.<i qua deux pièces de rar.on et un drapeau tricolore portant ces mol.> : 4a patrie reconnaissante à la ville de Varc-i'ies. Ce drapeau eut un sort néfaste : h leur passage à Varennes en 1792, les Prussiens s'çn erppaièrent, et il se irouvc encore aujourd'hui à l'arsenal royal de Fierlin. L'£iènrn]e)\l (^e Vaicnues, par \'. Founiel, p. -248.

VAUENNES 23

ol bien liabilée. du y remarque derrière réj:lise un beau pres- bytère, en avant, l'emplacement se tiennent des foires très fréquentées, et aux angles les hôtels du Grand- Cerf ai an Grand- Monarque; ce dernier jouit d'un renom hisloriijuc depuis l'Evénement de Variuncs dont nous parlerons plus loin. Ces hôlels. qui devaient être si animés au temps des diligences, soupirent uniqueineal aujourd'hui dans l'attenle d'une gare et d'un chemin de fer.

L'extérieur de l'église, sans offrir de hautes proporlious. n'est pas dénué d'intérêt ; l'ab-ide. à Iroi:^ pans et peicée de belles fenêtres à un meneau, peut remoîiler au xiv^ siècle, el deux jolies portes latérales, avec tympan sculpté également dans le style gothique, donnent iiccès dans la nef. En avant, se dresse une tour du xviii'^ siècle, contenant le portail el un porche au rez-de -ehaussée : l'él.ige cainpanaire est cou- ronne d'une lié. he eu ardoises portant la date de I77G'. A l'm- térieur, on retrouve les ancienne s di>posiiii.ns de l'archileclure gothique dans les travées de la nef, le chœur el les cliapelles fort bien conservées: mais [jailoul s'étend une décoration polychrome moderne, avec des v.tr.iux. des ^:atues el des autels pareillement modernes, ijui n'ont l.iirsé que peu de traces des vieux souvenirs. Un certain nombre d'anciennes toiles, d'une ct rlaine valeur, ont été enlevées de leurs chà-sis il appliquées sur la muraille, en guise de fresques. Ce procédé, employé également dans la nouvelle égli-e de Charleville, nous paraît peu conforme aux régies et aux véritables inlérèls de l'arl. Nous n'avons d'ailleurs l'cncontié ni épilaphes, ni ins- criplious quelconques au-dedan-, ni au dehors de l'édifice. L'épigraphie esl la parure historique des églies : elle fait ici défaut.

Un hospice, qui semble assez important el fort bien tenu par les religieuses de Saint-Charles de Nancy, se trouve à l'exirémilé de la ville, sur la route de Melz plantée d'arbres, bordée de IroUoirs el l'urmaut une agréable promenade. Une petite flèche surmonte la chapelle de l'hospice qui paraît assez récente, el n'offre de remarquable dans sou mobilier qu'une ejqujse propreté.

Voilà tout ce qu'une rapide visite nous a permis de voir à

1 . <i I^e clccUer reaferme trois cloches, deux modernes, fondues à Monl- devant-Sassey (Meuse), et une fondue en avril 17(53 par les Cheviesion, fondeurs lorrains, el nommée Louise par le prince L.ouis- Joseph de Coudé et M"= de Çondé. » En AiyaroiÇ, par P- CoUinet, Sedan, IS93, p. 13.

2 i EXCUKSION DANS L ARGONXE

\'areuues, sans oineltre les bahuts sculptés el quelques jolies pièces en faïence de l'Argoune qui garnissent la salle à manger de riiùtellerie iu. Grand-Cerf.

Il faudrait uiaiuleuanl, pour être complet, retracer, d'après les données locales, toutes les circonstances de l'arrivée de Louis XVI, le 1\ juin 17'Jl, celles de son arrestation et de sou départ. Ce sont ces péripéties émouvantes qui ont acquis à cette petite ville sa notoriété historique et lui valent de fré- quentes visites d'étrangers el d'historiens. Le jour même nous y étions, un autrichien visitait Varennes. Bien qu'il soit facile encore de se rendre compte sur place des événements et d'en présenter la topographie, nous y renonçons en présence de l'ouvrage capital publié récemment par l'un de nos meil- leurs écrivains, critique d'art et de littérature d'une verve incomparable, M. Victor Fournel, qui a passé sou enfance à Varennes, y a encore connu des témoins des faits et se trouve par conséquent un narrateur compétent autant que fidèle ^ Comment glaner après lui, et refaire un récit qui puisse se soutenir comme le sien par l'abondance des détails et la vérité de l'ensemble? Il u'y a plus qu'à lire et à méditer son livre^.

Cette contrée de l'Argonne était comme prédestinée à prendre un relief imm.ense dans la premiôre période de la Révolution. C'était dans son domaine de Buzancy que le fermier général Augeard voulait donner asile à la famille royale lors de son projet de fuite en 1790^. L'année suivante, c'est à La Croix- aux-Bois, à Grandpré, aux Islettes et surtout à Valmy que se concentrent les émotions el l'intérêt de cette lutte héroïque qui repoussa l'étranger envahisseur aux Thermopyles de la France. Pour celui qui, cent ans plus tard, parcourt ces lieux historiques redevenus si calmes et si laborieux, il y a beaucoup à apprendre. Le visiteur ne peut rester indifférent : il emporte un désir plus grand d'approfondir les relations contemporaines et les appréciations postérieures sur ces événements'*.

1 . Fournel (François- Victor), liuéraleur français, à Gbeppy, près Varennes, le 8 février 1829, licencié ès-leltres, collaborateur de plusieurs revues el auteur d'un grand nombre de publications estimées dans les lettres et les arts. Dictionnaire des Conle7iiporains, par Vapereau, dernière édition.

2. L'Evénement de Fareunes, par Victor Fournel, Paris, Champion, i%90, 1 fort vol. in-S", avec vue de Varennes en 1790.

3. Mémoires secrets de J.-Sl. Augeard, secrétaire des commandements de la reine Marie- Antoinette [1760 a 1800), publiés par Evariste Bavoux, Paris, Pion, 1866, p. 272.

4. Louis A 17, le marquis de Douille ft Varennes, par l'abbé Gabriel,

VARENNES 25

L'impression que l'on resseul sur place a Varennes, cou- firmée encore par la lecture de l'ouvrage de Victor Fournel, c'est que l'évasion de Louis XVI fut mal combinée el plus mal encore exécutée, autant par la faute de tous ceux qui y prirent part que par un fatal concours de circonstances'. Eu dernier lieu, cette station critique dans le haut de Varennes, par suite d'un manque de relais, redoublait un péril imminent et que personne ne pouvait plus conjurer. Ce fut en somme un échec humiliant el funeste pour la royauté, et comme le pré- lude de sa chute el du sort lamentable de la famille royale. Mais on reste également convaincu, en relisant les relations du temps et les dépositions des acteurs d'un drame si rapide et si décisif, que, dans cette nuit du 21 au 22 juin 1791, la municipalité de Varennes et beaucoup de ceux qui l'as- sislèreul à la première heure, voulurent plutôt reconquérir le roi sur l'Émigration que rendre un otage à la Révolution. L'esprit public ne se rendait pas compte en province de la situation du monarque à Paris, il ne voyait qu'une chose à cette heure critique : l'étranger à nos frontières, il redoutait autant l'invasion qu'un retour à l'ancien régime. Voilà ce qu'il ne faut pas perdre de vue dans l'examen des péripéties de cette nuit d'angoisses pour les victimes et de véritable alarme pour la population. Tout s'éclaire à cette lueur.

Il y eut dans celte boutique de Sauce, l'honnête et pusil- lanime procureur de la commune de Varennes, dans son humble maison aujourd'hui modernisée, qui offre encore son étroite façade dans la rue de la Basse-Cour-, une scène véri-

aumônier du Collège de Verdun, iu-S". La bibliographie de nombreuses publications relatives à l'arrestation de Varennes se trouve dans l'ouvrage de Victor Fournel, cité plus haut. 11 a encore paru une notice de M. P. Laurent, archiviste des Ardennes, contenant des documents fort curieux sur rémotiou produite dans ce déparlement par la fuite du roi. Variétés historiques ardennaises , IV.

1. Lire aussi, sur ces maladresses et ces leuteurs inouïes, une publication récente que nous lisions au cours de ce voyage : Un ami de la Reine, le comte de Fersen, 1 vol. in-12.

2. « Thenorgues, Souvenir historique. Une des dernières reliques de la royauté va être mise en vente à Varennes (Meuse), par suite du décès de notre regretté compatriote, M. Charles Gossin, directeur de la Gazette agricole. Il s'agit de la maison de Sauce, procureur-syndic de Varennes lors de l'arrestation de Louis XVI; c'est que le roi, la reine et leurs enfants passèrent une nuit, comme l'a si bien raconté M. de Beauchesne dans sa Vie de Louis XVJI. Notre compatriote, M. Gossin, s'était rendu acquéreur de celle maison historique. » La Croix des Ardennes du 19 octo- bre 1893, et La Croix de Paris du 10 octobre 1893.

•J('i KXCURSION DANS I.'ARftONNK

laljleiueiil iMiiouv<;ule cl proroudéinenl sincère de toutes parts. C'est celle que provoqua Louis XVI eu déchirant les voiles et en expli(|uant les motifs de sa fuite : le roi et ses sujets s'emhrassèrent alors dans un commun élan. Aussitôt, la municipalité lui envoya une dépulalion d'iioaneur. mais il restait mu fond des âmes du peuple une méfiance incurable sur le but final du voynge. à cause i!e celle proximité de la frontière oîi la monarchie s'exilait et î)rès de laquelle l'Autriche pouvait armer. Aux iissurances du prince qu'il ne quilterail pas Montmé iy, la voix d'un fendeur de laites répondait en patois : Sire, je n ni/ fianmet! (Sire, on s'y fie pas!;. Tous les cœurs répondaient h cet instuict d'un péril national qui allait éclater uu an plus tard. Comment ré-ister dès lors, surtout après l'arrivée de Romeuf, au torrent tumultueux des gardes mtiouales qui allaient l'air.; rélro^-rader une marche que ni Bouille, ni Choiseul n'avaient pu protéger efficacement'? Terrible expérience des rlioses, et aussi grande leçon pour noire pairie, dnns le service de laquelle il xv faut jamais scinder le patriotisme! A un siècle dinlcrvalle, qu.l hcur ux changemeiil et quelle légitime cause d'es[joir pour l'unité nationale : les pdils-fils de Bouille el les petilSrlil» de Sauce servent leur pays sans arrière- pen^ée. dans le même élan el avec la mèn)e abnégation. Ions ensemble sous le draficaii de la France !

III. La Chaladk, i.a forêt, i.k village

ET l'ancienne abbaye, SES PIKRRE.S TOMBALES.

De Varenues, à une petite di.-lance de la Ville-Haule, on pénètre dans la forèl d'Argonue qui s'étend entre les deux vallées parallèles de l'Aipe et de la Biesme. Un chenùu k travers bois conduit directement à La Chalade, dans celte dernière vallée, e> offre une [)romenade beaucoup plu?; agréable que la roule ijui aboutit au même point par le Four de Paris. 0:1 a de belles vues sous bois et la chance de visiter une bulle de bûcheron. trajet dure euvirou deyx heures et demitj, et se fait presque tout le temps dans des vallons ou sur des crè.es, au sommet desquels on rencontre, au lieu dit la Pierre-Croisée, la voie antique bien connue, appelée au moyen âge La H a nie- Chevauchée ou le Çhtmin des RomainH. La carie de Cassini indiquait upc croix à la l'ienc- Croisée, mais nous n'avong pas relrouvé trace de

I, L'Evénement de Vateniies,^. 1«6, 314 et 388.

ce nioiuimeiil c|iii tU'V.iil avoir un iuU-rèl liir^luii juu. l^u *(Ui- vaut celle voii; dans loul sou pai'cours, oa ir.iil diraclamenl (le Chàlfl (Artlttiiue^, à Xeuvilly él à Âubréville (Meuse), mais on oblique .'■ur la droite dans le vallon ties Sepl-Fou- i.uiies el l'on parvient lapideinenl au défilé.

L:i descente h La (!h:dale. ;iu milieu d'une trortre arrosée par un petit ruisseau, offre un point de vue charmant, le village apparail .ui has de grandes côtes l)oisée.s avec ses maisons lusliques. se- étroites prairie.s et ses vergers chargés de fruits'. La Biesme. lorl [)elil cours d'eau, coule au fond de ce val'.on (jui forme un défilé des Islelles à Vienne-le-ChAteau et coupe en deux la lorèt d'Argonne. Là. se pressent les vil- lages el les hameaux dont les hnl)iiants qui soûl presque tous aujourd'hui bûcherons, (ravaillaient aussi naguère aux verreries et aux labiiijues de porcelaine si réputées e;i Lor- raii e ri en (!h.ini[)agiie-. Vn sable fin el du bois en abondance rncililaienl cette industrie qui a eu sa célébrité, mais (|ui paraît aujourd'hui lolaleineiii abandonné.'. Les gentilshommes ver^ riers de l'Argonne ont quitté les vallons écartés leurs aucê' très menaient la vie palriar-ealt-, et ont transporté leurs aleliers aux abords des grandes villes jirospère le commerce des vins. Citons parmi ces gentilshommes verrieis les membres de la famille liigault. dont les difîéreules branches de Gran- (but, de Parfonrul. etc.. ont leurs lombes dans le cimeljèra de La Chalade. MM. de Bigault de Grandrut ont fondé en 1art4 la verrerie de Leivre piès Reims^.

Si les résidences de la noblesse locale sont déser es el eu ruines, la demeure des moines n'est pas moins délaissée. L'abbaye di; La Chalade, l'une des plus renommées de l'Argouue, n'a gardé dans son enclos que des bâtiments bieu déchus de leur antique splendeur. Heureusement l'église, qui est devenue la paroisse du village, reste debout sinea intacte, el offre des vestiges dignes de l'attention et de

1 . Lo i!om (le La Chalade nous paraît pri^cisémenl venir des côtes qui eiiiQurenl le viliaiïe el l'ancienno ehbaye : en patois barrj^iep ChQlokide ve^t (lire Côte, comme on en trouve un exerpplû dans un poël de Lif^ny-en-Bar- roi.=-, publié dans les Mémoires de la Sociale des Lettres, Sciences et Arts de liar-le-Duc. 189.3, p. 229.

2. C'est ainsi que l'on rencontre les looctlitée nommées le Fi>uf de f*aris, le yuur dos Mpines, Neufour, tic Voir le Oictivtinçii'e loiworgphiQ»^ du déparlement de la Meuse, par K. l.iinard, 1872.

^. Lire Tétude iuléressaate de M. Prosper de t^igault, Les Verriers de VArgonnc, dans la Hçvue de Champagne et ete ffrie, t. XH. 1^82, p 3 el ÎID,

28 EXCURSION DANS L ARGONNE

l'examen du touriste. C'était, nous le devinons, une église de Cisterciens, et l'on y retrouve par conséquent la noble sim- plicité des enfants de saint Bernard. Nous sommes, en effet, dans un vallon, près d'un ruisseau, et l'on connaît l'adage : Bernardiis valles, colles Uenedictus amahat. Bien que nous n'en connaissions pas l'histoire, nous voudrions donner de ce monument une courte description, en lire du moins les ins- criptions que personne peut-être n'a encore publiées. Le passant cueille en tous lieux sans larcin le fruit de son goût, il eu offre le partage à ses amis, et nulle pari on ne récuse les services rendus par la curiosité historique. Notons seulement que l'abbaye de La Chalade, au diocèse de Verdun, fut fondée en 1128, et appartenait à l'ordre de Citeaux, filiation de Trois- Fontaines.

Au dehors et au premier aspect, celte église semble un édifice neuf: les assises de briques et de pierres d'un ton moderne ont pris une si large place dans ses murailles lors de sa restauration récente (en 18G2, nous a-l-on dit), que l'on croirait à une reconstruction. Il n'en est rien cependant, et l'on aura sauvé tout ce qui pouvail l'être de l'édifice du moyen âge. On s'en aperçoit à l'iuspeclion des fenêtres et de la rosace dont les meneaux sont bien ceux qu'ont taillés les maçons du xiii' ou du xiv^ siècle. Mais, hélas ! une cruelle amputation a été jugée indispensable : la nef a été rognée, sauf deux travées, le clocher abattu et non encore relevé'; les combles et les pignons refaits à neuf indiquent que l'on a désespéré de rétablir jamais l'église dans son intégrité. Mieux vaut encore ce sacrifice, accompli de même à Braisne (Aisne), à Orbais (Marne), et bien ailleurs, qu'une destruction totale. Entrons dans le monument, puisque l'intérieur seul a gardé son aspect primitif, et a été restauré avec soin et probablement à grands frais.

C'est une vaste et haute église de l'époque gothique encore très pure, comprenant une abside à cinq pans précédée d'une travée en avant, un large transept à deux travées flanquées de bas-côtés, et une nef maintenant réduite à deux travées avec nefs latérales. Les nervures des voûtes reposent sur des colonnes munies de chapiteaux sculptés.

Les cinq fenêtres de l'abside sont d'égales dimensions, divi- sées chacune par un meneau avec oculus eu forme de trèfle au

1. Cne huUe eu planches, près de l'abside, contient les trois cloches de la sonnerie moderne.

LA CHALADE 29

sommet. Les fenêtres hautes de la nef et celles des bas-côtés affectent la même forme sur de moindres proportions. Une belle fenêtre à trois meneaux s'ouvre au fond du croisillon nord, et une magnifique rosace au fond de la nef. Outre leurs meneaux anciens, ces différentes baies ont conservé, au milieu de vitraux modernes, beaucoup de débris de leurs vitraux du moyen âge. Nous signalons notamment les deux fenêtres latérales du fond de l'abside qui gardent chacune un compartiment en grisailles du xiV siècle, offrant un fond quadrillé en losanges, avec fleurons d'un ton jaune au milieu et boidures ornées de feuillages. D'autres débris en couleur se voient dans les chapelles latérales, mais nous n'avons nulle part distingué de sujets à personnages anciens. Il est probable qu'au moment des réparations, bien d'autres fragments sub- sistaient et que l'on n'aura maintenu que ceux d'une soli- dité parfaite, en les entourant de vitraux à peu près refaits dans le même style. Un grand vitrail moderne remplit la fenêtre du milieu de l'abside avec la scène de la Présentation au Temple, et dans le croisillon nord on a peint des figures en pied, Jeanne d'Arc et autres personnages historiques. Quelques écussous se voient aussi au sommet des grandes fenêtres, et dans l'abside ceux de Bar, de France et de Navarre, peut-être en souvenir des fondateurs de l'abbaye.

Après les vitraux, c'étaient les anciennes sépultures qui formaient la richesse historique de l'église. Lors des restau- rations, il en restait sans doute de précieux débris de tous les styles et de tous les âges, car d'opulents bienfaiteurs du monastère et de nombreux seigneurs de la contrée avaient élu à La Chalade leur dernière demeure. Le pavé fut entière- ment renouvelé en 1862, et l'on juge de la perte qu'on éprouva en soulevant tant de dalles rongées par le temps et l'humidité'. On sauvegarda cependant les fragments les moins éprouvés, et nous avons pu décrire cinq de ces monuments funéraires déposés contre les murs du bras sud du transept. Ils sont

1. D'après un reoseignement que nous a fourni M. Léon Maxe-Werly, l'organisateur du Musée de Bar-le-Duc et l'antiquaire si dévoué, les meneaux de celte rosace viendraient des ruines de l'église de l'ancienne abbaye de Saint-Vanne de Verdun.

2. L'humidité est encore telle dans toute l'étendue de l'église que le pavage moderne en est lui-même presque partout imprégné. Aussi, devrait-on établir un drainage, ou du moins aérer fréquemment un édifice qui semble clos- trop hermétiquement. Lors de uolre visite, un chat-huant voltigeait sous les voûtes de la nef.

30 EXCURSION DAMS L AHGONMi

loub fil [jiene caldire l)huiche. plusieuiis avec figurca gravées cl lé;;eu(les |)lus ou moins complèles.

i _ Tombe Icv'c du XI V^ siècle, sans nom. Figuie t.'ii plein reliel' (Iliii chevalier couché, eu coslume militaire, deux aiiyet; de chaque cùlé de hi lôle, les mains du piTSOunnge boni joinle^^, sou épéo en avAui, les jambes ïont tronquée?, récns.~on est IViisIe, aiicun nom. aucune date n'est vibibie sur la pierre. Fragment imjiorlaul, dont les dimen- sions dans relal actuel fonl eu hauteur de l'"10, el en largeur

2. lipitnjihe du l'errin de Vauquois^, briilhj de Clermonl, morl en iH72.

(lelle épiliiphe devail être placée dans uue chapelle particu- lière dont le défunt avait éié le fondalcur, et il avait élu sa tépuhure. Aucune figure u'ai coinpague rinscripUon gravée en lellfes golhiqiies liés bieti ccjuservées. sur une piètre de U"'4o de hauteur sur ()"'i>2 de largeur. En voici le l'/xie. ipii se lit en se[it lignes :

T

Ci gisl

: nobles

lions

Pèrrin

.S

de :

Vaucoix :

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: fundour

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: mourut :

km

: M :

CGC : LXX/I :

.VA'V'"" iours

de

mail- :

daoml :

proies

pour . lu

: 'l- amen :

3. Hpilaphe de ItnoiU Burel, seigneur de FonUiine^, du XIV'' ou XV" siècle.

Celle d.dle, d'une belle couservalion, mesure '1 mèlres de hauteur sur 1"'0[) de largeur; elle offre l'image gravée eu pied d'un chevalier en costume militaire, la figure recouverle d'un voile avec une croi.\ el des larmes, deux écussons dans le haut; armes: de... à cinq deini-pals, parlant du haut de

1. Vauquois, village voisin do Vareuues, bâii au Eoiumel d'uii coteau fjiii s'aperçoit des points les plus éloignés de la valk^c de l'Aire.

2. Probablement Fonlaine-ei-Dormois, village do rarronditsciuenl de Sainte-Menehould, existe encor.? un château.

LA CHALADK 31

l'écu «t chargés chacud de deux besuns : ou voit celle iuscrip- lion eu lellres |:othiques autour de la lèle du persounagi! :

Ci gist mesires : Haous Êuret (?) c/Urs^ sires de Fonlanes Proiez pour lui

4. E})ila]ihe d'Ogicr^ scUin.'ur de Daniicuoux^ du XlV' ou A'P siècle.

Celle superbe dalle, du mèuie sl}de que la précédeule, est ftiallicureusenieul i'oudac, mais sa décoraliou est iulncte. Elle ifieBlire 2'"I2 de hauleur sur 1"0"2 de largeur. Elle repiéseûle un (.-hevalier deboul, eu costume de guerrier, la figure visible, le casque ouvert, avec deux écussons sur lescôlés, porlaul les mêmes nfjîiôiries que la louibe du seigneur de Foulaine, avec uti crôissahl en plUs datis la partie inférieure de Técu, On lit aUlo\ir de la iêlc du peftonniige en Uitre> gotliiques :

Ci gist : mesire. Ogiers : Qhlrs\- sires . de . danecoa proiez por lui

•i. [''riKjinclU d'une rpitaplie, aans nom, du XIV'' ou XV^ siècle.

La partie conservéj dj celle d.il'e mesure 0"'70 de bauleur sur 0'"8U le largeur. Elle offre une partie de la figure eu pie I d'uu chevalier, avec ce lexle incomplet eu lellres gotbiques autour de la lèle :

. . . ail sab pelra piilvere tofiisq faeram mUcs...

Uel aulre lexle, également iûcomplel, se lit dans une portion de la bordure enlre deux Iilels :

. . . tneliil»: êttscitël ipst' ilvus -\-

Ces pierres tombales vaudraient toutes la peine dèlre estampées, dessinées et reproduites dans une notice détaillée sUr l'église et l'abbaye La Cbalade. Notre lâche est ici

t . L est barrée pour l'abréviation du mol clievalier.

2. Daimevoux, commune située ent.e Sivry-sur-Meuse et Monttaucoii- en-Ârgonoe, à six lieUes environ de La Chalade.

3. Chevalier, même observation que plus haut.

H2 EXCUHSION DANS 1, ALGONiNE

siuiplemeul préparaloirc Nous u insislerous doue pas sur le mobilier luoderue de l'église, el nous ne pourrons décrire que bien sommairement ce qui subsiste des bâlimenls de l'abbaye. La maison abbatiale est totalement en ruines, et les lieux conventuels, reconstruits eu briques et pierre avec toi- tures en tuiles, probablement au début du xvii* siècle, sub- sistent seuls au sud de l'église, dans un élat partiel d'abandon el de délabrement. 11 faut excepter la partie occupée par les appartements de M"^ de Bigault de Grandrut, qui a eu la bouté de nous laisser visiter le reste des bâtiments.

Le cimetière de la commune se trouve dans une partie de l'enclos du monastère el sur remplacement de la nef démolie. De là, on aperçoit sur la droite un assez vaste corps-de-logis, l'on enlre par une porte surmontée d'une frise sculptée dans le style de la Renaissance avancée. A l'intérieur, on retrouve au rez-de-chaussée une grande cuisine avec sa che- minée et sa laque de l'époque, une parlie de l'ancien cloître voùlé el des pièces dégarnies de tout ameublement. A l'étage supérieur, ou montre les cellules des moines ouvrant sur un large corridor qui conlient encore les bois de vastes canapés du dernier siècle. Le salon de société n'offre plus la moindre décoration, si ce n'est un grand panneau de menuiserie gisant dans un coin sont sculptées les armes de l'abbaye consis- tant en une croix, sous laquelle est couchée une crosse en sautoir.

Dans cet ensemble de conslruclions, nous n'avons découvert, après l'église, comme remontant au moyen âge, qu'un seul petit monument qui lui est contigu au sud. 11 se trouve enclavé dans le jardin qui s'étend en avant des bâtiments habités jusqu'à la route. C'est un édifice du xiii" ou xiv*^ siècle, construit en pierre el intérieurement méconnaissable, mais intact au dehors et dont l'ancienne destination s'est conservée dans le souvenir des habitants. Au rez-de-chaussée, se trouvait la sacristie, et au-dessus était installé le charlrier dans une salle voûtée dont une fenêtre est encore munie de sa grille el de sa clôture en fer.

Nous avons résumé toutes nos impressions sur une ancienne abbaye qui marque une étape vraiment archéologique sur notre carte de voyage, el nous poursuivons vers Les Islelles uue marche que ne favorise plus l'ombrage des bois. C'est une route poudreuse, comme toutes celles de l'Argonue par suite de la friabilité des matériaux, qui nous conduit à l'entrée du défilé, parallèlement à la Biesme el toujours enlre des côles

Cr-ERMONT-EN-ARGONNE 33

boisées plus ou moius rapprochées'. Nous passons au Claon, hameau que domine une pelile chapelle dont la façade se cache sous deux arbres touffus, à Neufour dont l'église est de date récente, et nous arrivons aux Isletles dont le site est encadré dans la verdure de tous côtés. Les anciennes faïenceries qui se trouvaient à l'entrée de la forêt, du côté de Sainte-Menehould, près du château moderne de M"'° Mayran, ont été totalement abolies. Que faire doue eu ce village, après avoir jeté un coup d'œil sur son heureuse situation, sur sa grande rue bordés de boutiques et sur son église moderne? La station est toute proche, et le chemin de fer nous transporte en ciu(| minutes, à travers un frais paysage, dans l'aucieune capitale du Cler- moulois, l'un des points les plus intéressants do l'Àrgonne.

IV. Clermont-en-Aegonne, la. ville et son plateau, l'église Saint-Didier et la chapelle Sainte-Anne, leur architecture et leurs inscriptions.

Clermont offre par sa situation autant d'attraits au touriste qu'uLe petite ville du Nord-Est de la France peut en offrir, et le voyageur qui n'a fait que passer en chemin de for, ne peut résister au plaisir de revenir un jour visiter ce plateau, ces bois, cette église dont il n'a pu oublier la charmante pers- pective. Visiter l'Argonne sans faire une station à Clermont, c'est perdre le plus joli fleuron de la roule^.

De la gare, les maisons de la ville apparaissent à mi-côte, encadrées de verdure et dominées par une ceinture de vieux arbres et de jeunes sapins qui couronnent la montagne, ils ont remplacé les tours et les remparts du moyeu âge. Seule, une petite chapelle, contiguë à l'ancienne demeure des ermites, reste debout au fond d'une belle esplanade et conserve l'anima- tion sur ce tertre élevé de puissants seigneurs se maintin- rent redoutés durant des siècles. L'église, du plus pittoresque aspect, se détache entre la ville et le plateau, comme pour inviter à l'ascension les moins résolus. Vers l'est, la vallée de l'Aire élargit l'horizon, resserré à l'ouest et au sud par les mamelons boisés qui prolongent la forêt d'Argonne, Le coup

1. Voir la description de la vallée de la Biesme dans la Chanson du Jar- dinier, Souvetnrs de l'Argonne, par M. André Theuriel, Revue des Deux- Mondes, 15 novembre 1876, p. 290 à 32'J.

2. Un séjour à Clermont est facilité par le bon accueil que l'on trouve dans ses hôtels, notamment à V Hôtel des Voyageurs nous sommes des* cendus.

3

.'{4 EXCURSION DANS L ARGONNE

d'œil de l'arrivée se coulinue donc aussi agréable en montant du coteau au plateau, cl devient grandiose quand on parvient au sommet, but obligé et immédiat d'une visite à Clermont. La vue dont ou jouit est aussi étendue que pleine de fraîcheur et de poésie, surtout le matin ou au coucher du soleil.

Mais Cleraiont n'est pas seulement un point pittoresque dans l'Argonne, c'était le chef-lieu d'une coutume et l'un des prin- cipaux bailliages du Barrols réuni de bonne heure à la France \ Ce fut ensuile l'un des membres d'un apanage donné par la Couronne à la Maison de Condé, comme pour constituer ses princes gardiens de cette frontière^. Gardiens peu sûrs, hélas! car le plus illustre des Condé s'allia bientôt aux Espagnols et déchaîna sous la Fronde d'immenses désastres sur les forte- resses de la Meuse. Stenay, Jametz, puis Clermout, eurent à subir des sièges qui amenèrent en l(stîi4 la destruction totale de la ville haute et du château féodal de cette dernière place ^. Béduite à son enceinte actuelle, la petite cité s'embellit et prospéra néanmoins dans le cours des derniers siècles'*. Le Clermonlois subsista comme domaine des Condé et pays distinct jusqu'à la Révolution, rattaché par certains côtés à la Champagne, mais toujours dépendant de l'évèché de Verdun et plein des souvenirs de l'ancienne domination barroise et lorraines.

i. « Le bailliage de Clermont- en- Argonue était abandonné à la France par le traité de L.iverdun du 6 juin 1G32, et y fut délinitivement réuni par le traité de Paris du 29 mars 1641, » hisloire générale de la Champagne et de la 'Brie, par M. Poinsignon, Cbâlons-sur-Manie, 1886, t. II, p. 457.

2. « Le prince de Condé fut gratifié (décembre 1648) des comtés, terres et seigneuries de Stenaj', Dun, Jametz, Clermont, Varennes et des Monli- gnons, pour en jouir, lui et ses hoirs, en tous droits de propriété et de jus- tice à la réserve des cas royaux... » Histoire générale de la Champagne et de la Brie, par M. Poinsignon, 1886, t. III, p. 8.

3 « Clermont qui faisait partie, comme Stenay, du domaine de Condé, fut occupé le 24 novembre 1654, après .un assez long siège dont Vauban conduisit les opérations avec d'autant plus de sûreté que Coudé lui avait remis, en 1632, le soin de fortifier la place. La démolition du château, rasé par corvées de tous les paysans des environs, garantit à toute cette partie de la frontière champenoise la sécurité et les fruits de la paix. » Hisloire générale de la Champagne cl de la Brie, par Poinsignon, 1886, t. III p. 72.

4. A'o^ice sur Clcrmonl- en- Argonne, par Claude Bonnabelle, 1878, in-8'' de 27 pages.

5. Dans les }fémoires de la Société des Lettres, Sciences et Arls de Bar-le-Duc, Conlant-Lagucrre, 1 série, t. VIII, p. 181 et t. IX, p. 151 ; on trouve un travail de M Arthur Benoît, intitulé : Coup dœil sur le Clermonlois, d'après un manuscrit de la Bibliothèque de Metz.

CLEHMONT-EN-ARGONNE 35

Assez de notices, on le voit, ont ti-ailé du passé historique de Ciermont pour nous dispenser de recherches dans ses Archives, bien que nous sachions que l'IIôlel de Ville de Ciermont en contient d'intéressantes. Les notes d'un touriste se bornent à l'état actuel des rues et des monuments, elles ont aussi, il est vrai, leur côté rétrospectif. En parcourant la rue principale de Ciermont, nous lisons à la façade de plu- sieurs maisons des dates du xvii*' et du xviii'= siècle, qui nous fixent sur les reconstructions successives et la pros[)érito l)ublique à ces époques. Nous rencontrons deux anciens puits garnis de leurs grilles et de leurs armatures en fer, qui nous renseignent sur le bon goût des artisans d'alors. Après avoir gravi les marches de hauts escaliers, nous rencontrons au seuil de l'église une maison de modeste apparence, mais construite en pierre de taille dans le style du dernier siècle, offrant sur la porte le titre de Collège, encore visible malgré plusieurs couches de peinture, et nous voici curieux de con- naître les annales de l'instruction publique à Ciermont. On vient précisément de les étudier'. Ainsi, les temps se confon- dent, s'unissent dans une commune pensée et ne peuvent ni ne doivent effacer leur empreinte. Malheur à ceux qui détrui- sent les témoignages visibles des bienfaits du passé, ils faus- sent le présent et compromettent l'avenir! Le progrès vit de tradition.

La tradition de la charité n'est pas abolie à Ciermont : nous avons vu dans le bas de la ville un petit hospice fondé eu I806 par une femme de cœur du pays, M"' Marie Humbert, et des- servi avec le même zèle qu'en tant d'autres lieux parles digues Filles de Saint- Vincent de Paul.

L'Hôtel de Ville, dont la façade est surmontée d'un fronton, se dresse sur la place principale ; c'est un édifice convenable pour sa destination et sans caractère architectural. Nous avons remarqué près de et ailleurs dans les rues et car- refours, sur quelques maisons particulières, des plaques en bois portant un double écusson dont les armoiries ont été effacées, avec couronne de comte au-dessus, et en bas le mot : Publications. Intrigué par ces marques probablement

1. IJInstruclion publique à Ciermont- en Argenne avant la Révolu- tion; pièces d'archives et documents inédits, par l'abbé Gillant, curé •d'Auzé cille. Iu-8" de 57 pages, Actuel le ce eut, les écoles commuaales de Ciermont se trouvent au nouveau groupe scolaire bàli près de Thospice, Une école libre de tilles, sous le vocable de Sainte-Anue, a été établie près de l'église.

3») EXCURSION DANS L ARGONNE

anciennes et que l'on ne voit pas ailleurs, nous avons appris que c'étaient les signes indicatifs des lieux le crieur public devait faire ses stations dans le parcours de la ville. Les armes étaient probablement celles des anciens seigneurs el du comté.

L'église paroissiale de Clermont est placée, comme nous riudi(]uions au début, dans la partie supérieure à l'est de la ville, et l'on n'y parvient que par des escaliers ou par quelques montées assez rapides. L'une de ces voies montantes porte le nom de Casimir Bonjour, enfant de Clermout et écrivain assez connu dans les lettres contemporaines*. Une petite place s'étend en avant du portail principal, et l'ancien cimetière entoure l'église au nord et à l'est. Une rue étroite, se trouve le pres- bytère, longe l'édifice au midi. Le presbytère de Clermont ofTre tout le cachet d'une vieille maison en bois restée intacte à l'in- térieur. M. le doyen nous y a fait voir une maquette attribuée à Richier, La Vierge recevant le Christ descendu de la croix, qui se trouvait dans la chapelle Sainte-Anne. Nous devons remercier ici M. le doyen de son aimable obligeance à nous faire visiter son église. Il manque une pailie essentielle à la décoration extérieure de l'église de Clarmont : par suite de réparations effectuées en 1824, le clocher a été abattu et rem- placé par une sorte de hutte en planches la sonnerie (une belle sonnerie moderne de cinq cloches) se trouve encore ins- tallée. Deux petites campaniles sans caractère ont été élevés, l'un sur l'abside et l'autre sur le portail.

îsous sommes en présence d'un édifice du xvi° siècle dans sa totalité, très simple au dehors, fort élégant à l'intérieur, et offrant de tous côtés de charmants détails d'architecture ou des inscriptions non moins attrayantes. Il se compose d'une abside à six pans, d'un large transept, d'une nef avec collatéraux, le tout de style gothique en bon état de solidité. La façade vers l'ouest est assez mal tenue, quoique le portail, d'un beau style de la Renaissance avancée, mérite un meilleur entretien. 11

1 . Casimir Bonjour, romancier etpoète comique, littérateur français, naquit à Clermont (Meuse), le 15 mars 1795, et mourut à Paris le 24 juin 1856. Son père était sous-officierdans la gendarmerie. Voir Dictionnaire des Contempo- rains, par Vapereau, T' et 1' édition, el la Nouvelle biographie universelle, 1855. Casimir Bonjour passa son enfance el fil ses études à Reims, puis entra à l'Ecole normale. Son roman le plus connu est : Le malheur du riche et le bonheur du pauvre, qui jouit d'une réputation méritée. Après avoir été pro- fesseur en province, répétiteur à Paris, employé au ministère des Finances, il devint inspecteur des étudesà l'Ecole militaire de La Flèche et enfin conserva- teur à la Bibliothèque Sainte-Geneviève de Paris, il unit ses jours.

CLERMONT-EN-ARGONNE 37

offre deux porles cintrées qui ont conservé leurs vantaux de l'époque, ornés de clous d'un beau dessin; au-dessus, une frise garnie d'une torsade, soutient une niche aujourd'hui vide. On a placé à cet endroit un Christ eu bois sans carac- tère ; la niche devait sans doute contenir une statue du patron de l'église, saint Didier, évéque de Langres. D'épais contreforts et une tourelle d'angle au sud encadrent le portail. Parmi les décorations bien frustes des montants, nous remarquons quatre H couronnés, et. sur la gauche eu entrant, un écusson aux armes de Bar : l'écussou de droite n'a plus de meuble saillant. Notons aussi sur la base du pilastre de gauche une inscription funéraire, gravée postérieurement à construc- tion du portail. Voici la portion du haut, encore lisible et qui donne le nom du maître d'école de Clermont sous Louis XIII :

CI DEVANT GIST lEANNE FORGET VIVANTE FEME

A BL HENRIET

M' DESCOLLE DE CLERMONT ...DECEDA LE 9* IVLLET 163i

PRIEZ DIEV POVR EVX

Dans l'àugle des contreforts et sur tout le pourtour de l'église au nord, se trouvait le cimetière, on rencontre la trace d'autres inscriptions disparues : il reste seulement les encadrements sculptés des plaques enlevées sans doute à la Révolution'. Un seul de ces petits monuments, dont les sculptures ont été aussi mutilées, offre une inscription en lettres gothiques très nettes, tracées dans la muraille :

cy giset. regnauld sara ('?}. et. meline. sa. feme. priez Dieu

Au sud, une porte latérale donne accès dans la basse nef, et cette porte nous a charu.é par son caractère d' élégante sim- plicité, moitié gothique et moitié Renaissance. Elle est flan-

1. Le cimetière actuel de Clermont se trouve au bord du chemin qui conduit à la chapelle Sainle-Anne. Il ne contient aucune des anciennes inscriptions signalées ici.

38 EXCURSION EN AROONNB

(juée et courouuée de sculptures en forme de uiches ou d'édi- cules, une statue de la Vierge tenant l' En faut Jésus la sur- monte, et la date de 1o87 se lit dans les carlouchcs du haut; un auvent en bois protège le sommet.

En entrant dans l'église, le regard se porte de suite vers l'abside éclairée par six belles fenêtres à un meneau, disposi- tion assez rare et qui lui donne un aspect circulaire'. La voûte d'un seul jet, soutenue par de nombreuses nervures entrecroi- sées, offre des clefs sculptées et peintes avec figures et chiffres. La principale au centre, de forme circulaire, présente l'image d'un Dieu de Majesté, assis sur l'arc-eu-ciel, les pieds sur le globe du monde, une épée se trouve d'un côté, un rameau de l'autre; on lit autour en lettres capitales, ce texte de? Lita- nies, avec la date de construction de l'église :

PATER DE CELIS DEYS MISERERE NORIS. Io30.

Sept autres clefs, plus petites, portent les monogrammes du Christ et de la Vierge, IHS et AM alternant, et une huitième clef en losange est chargée d'un homme debout, armé d'un glaive et d'un bouclier. Les clefs.de voûte du transept sont pareillement décorées d'armoiries et de figures.

L'édifice entier est voûté dans le mêmestyle, avec neivures reposant sur des colonnes munies de chapiteaux ornés de têtes et de feuillages. Les voûtes et les murailles ont reçu une déco- ration polychî'ome assez bien réussie, et les fenêtres sont toutes garnies de vitraux modernes. Le transept est élevé, percé de larges baies flamboyantes. La nef à quatre travées est éclairée par des fenêtres peu élevées, prenant naissance au-dessus de la toiture des bas-côtés. Ces derniers offrent assez de largeur et deux chapelles latérales ouvertes dans leurs travées voi- sines du transept; les autres travées sont percées de fenêtres larges et basses à deux meneaux, l'on a peint les scènes de la vie de saint Didier, patron de l'église.

Les deux chapelles latérales s'ouvrant sur les basses nefs sont évidemment des chapelles fondées par des familles pour leur assistance h l'office et pour leur sépulture : elles ont leurs clefs ornées d'armoiries sculptées et peintes. La chapelle du sud conserve dans son dallage des pierres tombales du xvi°

1. Habituellement, les aLsides ont un nombre impair de pans et de fenêtres, ce qui donne un fond au milieu. Nous avons trouvé dans une église du xin» siècle, à Berru (Marne), une disposition analogue d'abside à quatre pans.

CLERMONT-EN-ARaONNE 39

siècle, avec inscriptions en partie frustes, en partie cachées gous des baucs. Il en est de mémo dans la chapelle du nord que l'on désigne encore sous le nom de Chapelle de Pimodan, en souvenir d'une famille ancienne de l'Argonue qui posséda les terres de La Vallée et de Rarécourl, voisines de Clerniont. Nous y distinguons trois dalles en pierre calcaire, dont les légendes sont mutilées ou cachées par endroits. L'une porte la date de 158i-, l'autre concerne un mayeur de Clermont, et la troisième relate l'éloge en français d'une personne décédée le 13 août 1585. Ces textes et ces armoiries diverses, que nous n'avons pas eu le temps d'approfondir, ne seront point d'ailleurs perdus pour l'histoire. Au mois d'avril 1893, deux érudils de Paris, archivistes aux Archives nationales, MM. H. Slein et Léon Le Grand, ont transcrit les inscrip- tions de celte chapelle, dans le but d'éclairer l'histoire et la généalogie de la maison de Pimodan.

Nous avons réservé toute noire attention pour un autre monument funéraire, d'un caractère impersonnel, sculpté dans la muraille au-dessous de la fenêtre de la chapelle, et présen- tant une sorte de Leçon et d'Aterlissement de la mort dans un but d'édification et de prières. 11 n'offre, en effet, aucune dale, aucun nom de personnage qui serait inhumé au-dessous, et les sentences qu'il contient s'adressent à la généralité des fidèles. Il n'en est que plus curieux et plus intéressant au point de vue de la morale chrétienne et populaire au xvi'^ siècle.

Ce monument est en lui-même une œuvre d'art remar- quable, avec médaillons sculptés et peints de la Renaissance, dont la date peut être fixée environ vers l'an 1550. Il a subi en 1793 des mutilations assez graves: les tètes des person- nages dans les scènes allégoriques du haut sont brisées, mais les altitudes et l'ensemble des figures ont gardé leurs lignes caractéristiques, la peinture même a conservé la plupart de ses tons, et les encadrements leur relief; toutes les légendes sont lisibles, et la statue de la Mort couchée au bas est presque intacte. Le monument est protégé par une cloison mobile en planches, qui préserve les bas-reliefs de toute nouvelle dégradation. Une restauration pourrait être entre- prise, mais il faudrait un soin extrême pour ne rien déna- turer. Nous préférons le voir en cet éiat. La hauteur totale du monument est de l'"50, sa largeur totale de l'"65. Il est divisé dans la hauteur en deux parties à peu près égales. Dans celle du dessus, se détachent trois allégories en relief, séparées par

40

EXCURSION DANS l. ARGONNE

dos pilasires chargés dornemenls délicats : on voit au milieu le miroir de la Mort, ou cartouche circulaire chargé d'une tète de mort avec un os sur la bouche; sur la gauche du spectateur , la Justice tenant un glaive d'une main ei une balaiice de l'autre, avec laquelle elle pèse les âmes; sur la droite, le Purt/aioire visité par le Christ et un ange, au bas le supplice dans les llammcs et l'apparition au sommet. Daus la partie infé- rieure du monument, se trouve un tombeau git la Mort, couchée sous la ligure d'un cadavre décharné, avec ses armes au-dessous d'elle, la faux et les flèches. Autour de ces diverses représentations, l'artiste a gravé en lettres gothiques, peintes en noir, des textes sacrés et des maximes morales dont voici l'ordre et la suite complète. Nous ignorons si ces textes ont été déjà transcrits et publiés en entier. Nous les donnons en tous cas tels que nous avons pu les déchiffrer malgré l'obscu- rité de cet endroit. Le tableau ci-dessous en facilitera la lecture.

LÉGENDE.

LKGE.NDE.

LÉGENDE.

2. La Justice divine, figure avec ses attri- buts. Textes.

i.

Le miroir de la

Mort, disque avec

tète et ossement.

Textes.

3.

Le Purgatoire ouvert

par le Christ

portant sa croix.

Scènes en relief.

Textes.

LKGE.NDF..

LÉGENDE.

4.

Inscriptions sur trois faces.

Au bas, la Mort étendue sur un lit funèbre, avec^ses armes

sous elle : flèches et faux.

1. Au milieu de l'encadrement supérieur, au-dessus du Miroir de la Mort, on lit en bordure :

Miroir on Phottune au naturel Se doit reconynoislre )nortel.

Autour du Miroir, court dans un cercle celte légende qui est versifiée comme la précédente :

Mirez-vous et considérez Comme je suis, lelz vous serez.

CLERMONT-EN'-ARGONNE 41

Au-dessous du même Miroir, autre légende également eu vers dans un lislel :

Naistre^ labourer et )noiir(r Lan ne sait que la mort courrir.

2. Sur l'encadremeiit, au-dessus de l'image de Justice, en bordure :

De Dieu je suis la justice divine A remire a chacun suis encline.

Autour de la même figure, sur des listels au-dessus l'un de l'autre :

[Peine] meritle pechié Leurs œuvres les ensuyvent.

3. Sur l'encadrement au-dessus de la scène du Purgatoire^ en bordure :

. De satisfaire ayez mémoire Affin d'eoitter purgatoire.

Autour du Christ portant sa croix, sur trois listels :

Venite ad me omnes qui lahoratis. Animas pauperum ne obliviscaris in finem. Venite in locum refrigerii.

Au-dessous de la scène du Purgatoire :

Pour les péchiez que commet l'homme Vivant en son mondain plaisir Convient qu'il soit purgiè en somme Avant qu\il punisse ez cieulx venir.

4. Dans la partie inférieure du monument, la Mor^ gisant est représentée comme l'image du trépas qui attend tous les hommes; on lit en légende sur la bordure de l'encadrement du haut, deux ver.-s à droite et deux à gauche :

Considérez ma hideuse figure Quelque belle que vous ayez la face

Cy faudra il que telle la vous face Quant consumez serez en pourriture

Plus bas, au-dessus de la Mort, au milieu dans un car- touche, un conseil suprême :

Tu feras ce que tu vouldras Avoir fait au iour que inorras.

42 EXCURSION DANS L ARGONNE

Eufiu, de chaque côté du lit la Mort est couchée, deux sentences latines résument tout cet enseignement, qui n'est au fond qu'une leçon pour bien vivre :

vieincnlo mari mcmenlo finis

Pour avoir une idée bien nette de la décoration et des scènes du monument, il faudrait en reproduire l'ensemble dans un dessin en couleur. Nous souhaitons qu'un archéologue lorrain se plaise un jour à exécuter celte lâche, que nous voudrions avoir facilitée, et dont la réalisation intéresserait les Sociétés savantes comme les artistes et les érudits de la région. Au point de vue artistique, ils y trouveraient un modèle original à reproduire dans son réalisme, et ils y verraient au pouit de vue historique une image populaire des croyances aux peines et aux récompenses' de l'éternilé, à l'heure la Réforme modifiait plusieurs points de la doctrine catholique.

Il ne nous reste, pour achever la revue épigraphique de l'église de Clermonf, qu'à signaler au bas de la nef latérale du nord plusieurs fragments de dalles du xvi"= siècle avec armoiries, et à l'entrée du chœur une dalle moderne en marbre noir, posée à la mémoire des fondateurs et des bien- faiteurs, lors des réparations exécutées en 1824,

L'heure est venue d'achever l'ascension du plateau par un sentier à pic, et de décrire la chapelle placée sous le vocable de Sainte-Aune à Texlrémilé occidentale. Déjà nous con- naissions l'existence et l'histoire de cette chapelle, grâce au livre de M. J.-B. Buzy, membre correspondant et lauréat de TAcadémie de Reims '.

Le nom de D. Maugérard et celui de la famille Buzy sont intimement liés aux destinées modernes de cette chapelle, rachetée en 1809 par M. Buzy, notaire et maire de Clermont et possédée par lui jusqu'en 1843. On y lit en entrant, sur deux plaques de marbre, d'un côté : Famille Buzy. D. 0. M. A la mémoire des auteurs de mes Jours et autres parents mes bienfaiteurs décédés. Requiescant in pace; et de l'autre côté : Z>. 0. M. Priez pour Dom Jean- Baptiste Maugérard, à Auzéville, près Clermont, le 30 avril ITBTj,

1. Dom Maugérard ou hisloire d'un bilUugraphe lorrain de VOrdre de Saint Benoit au AT///' siècle, suivie de l'histoire de la chapelle Sainte-Anne d'Argonne (Meuse), par J.-B. Bdzv, professeur honoraire des Lycées de Reims et de Sens, etc. Chaions-sur-Marne, T. Martin, 1882. la-S" de 303 pages, avec la musique d'une cantate à sainte Anne.

CLERMONT-EN-ARnONNE 43

prêtre bénédictin, commissaire de la Bthliotlièque nationale, chanoine de Metz, décédé le V?^ juillet 1815, bienfaiteur de cette chapelle, [iequiescat inpace.

Sauvegardée par les soins pieux de celte famille, la modesle chapelle Saiule-Aune se compose d'un avant-corps sans carac- tère, construit en bois et surmonté d'un petit clocher, et d'un chœur bàli en pierre, voûté d'ogive et portant tous les carac- tères de l'architecture du xvi" siècle, c'est-à-dire contempo- rains de l'église de Glermonl. Les nervures de la voûte, la forme des fenêtres à un meneau surmonté d'un remplage en forme d'éventail, les contreforts eux-mêmes qui soutiennent l'abside à cinq pans, tout indique l'époque gothique flam- boyante. On lit bien à la clef de voûte du chœur la date de 133S, mais pour nous celte date est erronée, peut-être par suite d'une mauvaise lecture de la date primitivement écrite, celle de Ui38 par exemple, ou pour une autre cause. Mais, en tout cas, ce petit sanctuaire n'appartient pas à rarchiteclure du xiv» siècle.

A part celle divergence sur la date avec la description his- torique que fait M, Buzy de la chapelle', nous ne pouvons que renvoyer aux intéressantes données recueillies par lui sur les anciens souvenirs et la ferveur actuelle du culte de sainle Anne eu ce lieu. Il nous renseigne sur la fondation d'un prieuré de bénédictins au château de C'ermonl eu 1623, el ensuite sur l'élablissemenl des Cordeliers comme gardiens du sanctuaire qui survécut au manoir féodal. C'est un jardinier qui habile maintenant le logis des ermites et cultive leur enclos poussent toujours d'excellents légumes, arrosés avec l'eau de l'ancienne citerne. La ville de Clermont est, depuis 1845, propriétaire du plateau tout entier, c'est-à-dire de la promenade, de la chapelle et de l'ermitage, qui occupent une superficie d'environ deux hectares et demi.

A l'intérieur de la chapelle, ce qui frappe le visiteur en entrant, ce sont les six statues presque de grandeur naturelle d'un Sépulcre de la fin du xvi'^ siècle ou du commencement du xvir, acquises en 1829 à la démolition de l'église des Minimes de Verdun. Quelques-unes de ces statues, celle de la Madeleine particulièrement, ont une expression d'un réalisme 1res vivant, mais ou les voit de trop près, et trop éloignées l'une de l'autre, pour bien juger de l'effet que le groupe devait pro- duire dans sa disposition primitive. Ou voit aussi dans le ves-

1. Notamment aux pages 2^6 à 248 de l'ouvrage cité plus haut.

44 EXCURSION DANS L ARGONNE

liliule quelques tableaux des derniers siècles, notamment une naïve peinture du colloque de saint Benoit ei de sainte Scho- lasiique. En pénétrant dans la partie gothique qui forme le chœur, on regrette (|ue des cinq fenêtres de l'abside, deux seule- ment soient actuellement ouvertes, les deux fenêtres opposées étant bouchées par le bâtiment des ermites, et celle du milieu obstruée par une décoration toute récente en forme de niche contenant une ttatue moderne de la patronne. Une -voûte, soutenue par dix nervures, recouvre ce petit sanctuaire, de six à sept mètres de longueur sur autant de largeur. Des boiseries et quelques groupes ornent les murailles rehaussées de pein- tures décoratives.

Au dehors, ce que l'on admire plus que l'architecture, c'est la végétation touffue des quatre ormes séculaires qui ombra- gent le parvis du rustique sanctuaire et dominent de très haut son clocher \ Un cinquième orme, planté comme les autres en 1(369, fut brisé par la tempête en 1863, et M. Buzy a relaté avec soin l'acte de décès de l'arbre gigantesque qui aurait pu dans sa chute écraser le toit en tuiles de la chapelle, s'il n'était tombé heureusement du côté de la ville 2. On souhaite longue vie et prospérité aux ormes survivants, encore pleins de sève jusque dans leurs derniers rameaux.

On a peint et repeint, à diverses époques, des inscriptions de circonstance autour des murs de l'abside : ici, un cadran solaire avec celte devise : Tôt tela, quoi horœ, et là, autour de l'arcade d'une fenêtre, ce distique d'une poétique tristesse :

i^uid vita est horninisl Viridantis flosciiLus horti, Sole oriente oriens, sole cadente cadens^.

Ou pourrait y joindre le verset du psalmisle : A solis oriu usque ad occasum. . . , bien à sa place sur ce mont illustre, le plus élevé de l'Argonne 295 mètres d'altitude, d'après la carte de l'Elat-Major), d'où l'on voit le soleil se lever et se coucher avec tant de majesté. Les générations continueront à en gravir les pentes matin et soir, autant que durera le culte des plus nobles souvenirs religieux et historiques,

{A suivre.) Henri Jadakt.

1, Ce petit clocher renierme une cloche, donnée en 1859 par M"' Marie Humbert, la fondatrice de l'hospice de Clermont. Elle en remplace une autre donnée par M. Buzy en 1827.

2, Voluaie cité, p. 197.

3, Toutes les inscriptions de ce genre, anciennes et modernes, sont reproduites par M, Buzy, dans sa description si minutieuse, p. 256 à 258.

La Prévôté Royale*

DE

COIFFY-LE-CHATEL

(Aujourd'hui Coiffy-le-Haut)

Engagement du domaine de la prévôté de CoilTj à des partlcnliers. Les seigneurs engagistes. (iiî88 a 1790.)

Le xvi« siècle fui lémoin d'une révolution considérable dans l'adminislralion domaniale de la couronne.

L'épuisement du trésor et les frais nombreux que nécessi- taient l'entretien et l'exploitation des domaines royaux, intro- duisirent l'usage de les vendre à des particuliers moyennant finance et avec faculté de rachat, en remboursant le pris payé par l'acquéreur. Ce droit de rachat fut plusieurs fois appliqué et suivi de nouvelles ventes qui produisirent des sommes plus importantes. Les domaines ou portions de domaines ainsi cédés prirent le nom (Vengagère ou à.' engagement. Des édits de 1536 et 1 b43 établirent le mode de ces aliénations. Des ordonnances de 1585 et 1629 le complétèrent et le généralisèrent.

Lors de l'engagement des domaines, on en avait générale- ment réservé différentes portions pour assurer le paiement des charges locales. Mais, dans la suite, on les engagea comme les autres.

Le seigneur engagisle n'était pas entièrement substitué aux droits du roi. Dans l'engagère n'étaient compris ni la mou- vance féodale, ni l'exercice de la justice qui se rendait toujours au nom du roi. L'engagiste néanmoins en percevait les profits, nommait et présentait aux offices. C'est sur celte présenta- tion que les lettres de provision étaient expédiées par la chan- cellerie.

S'il jouissait des droits utiles, il supportait aussi des

Voir page 866, tome V de la ficfwe de Champagne.

46 hX TRÉVÔÏÉ ROYALE

charges. Des litres relatifs à Coifly moulrent qu'il était teuu d'eulreleuir riiôlel el les prisons de la prévôté, de payer les gages des officiers de judicature, d'acquitter de ses deniers la nourriture el l'eulretieu des enfants trouvés, ainsi que les frais de procédure, tant au civil qu'au criminel.

En 1771, un arrêt du Conseil relira aux engagistes la per- ception du quiul el du requinl, ainsi que le droit de présenta- tion aux offices.

La faculté qui leur élail laissée d'aliéner en détail leur enga- gera, divisa tellement le domaine de la prévôté de CoifTy que, pour apporter quelque lumière dans ce sujet si obscur et si confus, dans ce dédale de droits el de redevances, sur l'exer- cice desquels les engagistes eux-mêmes n'étaient pas toujours bien iixés, nous avons adopter une division méthodique, de laquelle résultera l'exposé de l'étal général de l'engagement et des différentes phases qu'il a traversées'.

P*^ division : Le 14 septembre 1588, un procès-verbal des commissaires généraux du Conseil du roi adjugea à Laurent Bezol, bourgeois de Chaumont, au prix dérisoire de 1 ;o7o livres de capital, les greffes, tabellionnages, bourgeoisies, lods et ventes, fouages, gélines, fours, échanges et menues amendes des villages de la prévôté, partables entre le roi et le prieur de Varennes.

Remis en vente, par application de la clause de rachat facul- tatif, ce premier domaine fut adjugé à son fils, Louis Bezol, le 23 décembre 1624, avec une majoration de 440 livres, aug- mentée encore, le 4 septembre 162b, de 220 livres ; ce qui en porta le prix total à 2,235 livres.

Il passa ensuite, par alUance, aux familles Geoffroy et Duprez, représentées l'une par Jean-Baptiste Geoffroy, et l'aulre par Jean Duprez dont la ILIle, Jeanne-Thérèse, épousa Jean de Rennepont.

Antoine Geoffroy, écuyer, seigneur de Nozay, receveur général des finances et des bois de la généralité de Paris, fils du précédent, céda à Jean de Rennepont ses droits sur Vicq,

1. Les nombreux documents qui nous ont servi à établir celle partie de notre travail sont déposés aux Archives Nationales, à Paris. Ils se com- posent de pro';è5-verbaux d'engagement, d'arrêts du Conseil du roi et du Parlement de Paris, de sentences et jugements du bailliage de I.angres et de la prévôté de Coilly, et font l'objet des cotes suivantes : Domaines, Carton Q' 689 et registre P 1771.— Titres de la maison d'Orléans, Carton K* 939. et Registre lJt2.

DE COIFFY-LE-CHATEL 47

eu t^chauge de ceux que ce dernier possédait à Coiffy et à Moutcharvot. En lG8i, il acquit de Mgr de Siniiaue de (iordes, évêque de Langres, engagisle d'une autre portion de la prévôté, les droits de fouage et de gruerie, avec le quart des renies de grains des villages de CoifTy, Vicq, Damréuiout et Montcliarvol.

Ses deux fils, Jacques Geoffroy de Goiffy, seigneur de Nozay cl de Saint-Etienne, lieutenant aux Gardes-Franraises, el Marc-Antoine Geoffroy de Goiffy, possédèrent le domaine engagé, ainsi que rétablissent des litres de 1G98 el de 1712. Un jugement du 26 mai 1724, du bailliage de Langres, donna gain de cause à Jacques Geoffroy, ainsi qu'à M. de Roye de la Rochefoucauld, prieur de Varennes, contre les hai)itauts de Goiffy-la-Ville, qui s'étaient refusés au paiement des droits seigneuriaux de lods et ventes, de fouage, d'avoine et de géline. Sur l'appel interjeté par les habitants, le Parlement de Paris rendit, le 12 mai 1740, un arrêt confirmr.lif du premier jugement en faveur de MM. Pajol du Bouchel, Pajol de Dam- rémont et de Mme Pajol du Bouchet, femme de Jean-Baptiste Augel, baron de Moulhyon, conseiller maître à la Cour des Gomptes, neveux cl nièce, par Aune Geoffroy de Goiffy, leur mère, de Jacques Geoffro}*, décédé en 1725.

Le 19 août 1751, MM. Pajol el de Monthyon veudireut leur domaine de Goiffy à M. de Montfallel, qui le reven lit à Domi- nique-Antoine Tellez d'Acosla. Deux ans plus tard, le 13 sep- tembre ]7o4, ce dernier le céda, pour 12,700 livres, à Glaude- Joachim Grapelet ou Graplet, avocat en Parlement, seigneur en partie de Fresnes-sur-Apance '.

1. La seigneurie de Fresnes-sur-Apance, ancienne terre de surséance, àur les confins du comté de Bourgogne et de la Lorraine, était partagée, au siècle dernier, entre plusieurs seigneurs, savoir : le duc de Lorraine (i'OO), Charles, marquis de Fussey, chambellan du duc de Lorraine (ITliJ, Louis Girard, par acquisition, en 1682. Louis Girard du Brcuil, son fils (1723), et leurs alliés, MM. Dieudonué Grapelet (1723-1749]; Claude-Joachim Gra- pelet, son fils (1755) ; Charles-Erard Duparge ou du Parge, écuyer (I7ooj ; Philippe Maillard, lieutenant criminel au présidial de Langres, époux de Anue-Françoise Girard (17olJ ; Jean-Baptiste Maillard, écuyer, garde du Roi (1759); Pierre Josse, de Jonvelle, mari de Marguerite Girard (1755) : Louis^ Elisabeth et Pierre-Elienne Josse, procureur au bailliage de Vesoul, suivant leur dénombrement du l"'' juin 1782. On trouve aussi François Michaux, avocat en parlement, co-seigneur de Fresnes en 1783. (Papiers de famille de l'auteur, et Archives du Doubs et de la Haute-Saône.)

Au siècle précédent on compte parmi les seigneurs de Fresnes, les Livrou - Bourboane, les Largentier, barons de Chapelaines, etc. Ces seigneurs se qualifiaient alors, à raison de la surséance, de souverains de Fresnes-sur- Apance. (Généal. de Livron, Largentier, etc.)

48 LA. PKÉVÔTK ROYALE

Nous arrêlous ici l'exposé de l'élat de ce premier domaine, qui se couforid, dès lors, avec la troisième division, par suite des autres acquisilious faites par M. Crapelel de Fresues.

//c division : La portion du domaine de Vicq possédée par. Jean de Renueponl et Jeanne-Thérèse Duprez, sa femme, passa à leur fille, Marie de Reuuepont, femme de Jean-Bap- liste Guyol, puis à Jean-Baplisle Guyot, leur fils unique. Le duc d'Orléans, engagisle du comté de Chaumont, usant du droit que lui conférait un arrêt du Conseil du roi, du 13 juillet 17U6, reprit l'engagère de Vicq, et la rétrocéda presque aussitôt à M. Guyol, qui, le IG mars 17oo, la passa à Fran- çois-Laurent Rougelin, curé de Monligny, moyennant 500 livres de capital et le paiement annuel d'une rente de cent francs au duc d'Orléans. L'acte de cession fut résilié, à la mort de M. Guyot, par ses héritiers, le lieutenant- colonel Claude- François de Rennepont et le capitaine Honoré-François de Rennepout, qui remirent leur domaine au duc d'Orléans, le 23 mai 178G, contre la somme de 2,34b livres.

IIJ' division : Les parties des domaines de Chaumont, Coiffy, Audelot, Xogent, Moutigny, Bourbonne, Villars-le- Pautel, Yaucouleurs et autres réservées, lors des aliénations de 1588, furent mises en vente et adjugées, suivant procès- verbal du 19 janvier 1646 des commissaires généraux, à Jérôme Amant, bourgeois de Paris, pour le prix total de 1 1 ,990 livres. Mais à la suite d'une demande de tiercement, elles furent définitivement attribuées, par le procès-verbal du 15 juin de la même année, pour 28,000 livres, à Louis Rabatte, mandataire de François de l'Hôpital, comte de Rosnay, che- valier des Ordres du roi, maréchal de France et lieutenant général en Champagne.

A la mort de ce dernier, ces portions de domaines furent de nouveau mises à l'enchère et adjugées, le lo juin 1660, au même titre, à Françoise Migûot, sa veuve. On y adjoignit les domaines de Vassy et de Saint-Dizier, et le total de la vente atteignit la somme de cent mille francs.

Par suite d'embarras de fortune, les domaines engagés delà maréchale de l'Hôpital furent mis en décret et adjugés, par sentence des requêtes du palais, du 10 juin i673, à la prin- cesse Marguerite-Ignace de Lorraine d'Elbœuf, pour le prix de 90,000 livres.

Ils passèrent, par succession, à son neveu, Charles de Lor- raine, prince de Commercy, qui les céda, par voie d'échange,

DE COIFFY-LE-CHATEL 49

le 1 6 juillet 1099, an duc d'Oiléans, frère du roi. Ils reslèreiiL daus sa maison jusqu'à la Kévolulion.

Mais, depuis le 27 avril 16o7, le maréchal de l'Hôpital avait aliéné ce qu'il avait acquis dans la prévôté de Goiflfy, au profit d'Henri de Guénégaud, secrétaire d Etat et garde des sceaux, qui, le même jour, déclarait devant notaire que celle acquisi - tion élait faite pour le compte de M'"'' Pierre Barbereau, prieur de Varennes. Ce domaine comprenait, suivant la teneur de l'acte : « la moitié de la justice, prévôté et seigneurie do « Coifîy-la-Ville, CoilTy-lc-Chàtel, Vicq, Damrémont^ et Mont- ce charveau, des amendes arbitraires et des coufiscations de c ladite prévôté, droits de greffes, labellionnages et hallages, « lots cl venles, droits d'eschets et de bourgeoisie, la moitié

1. D'an coaimenlaire, inscrit à la page 1441 du registre R* 1162 des titres de la maison d'Orléans, aux Archives Nationales, à l'article Damméremont (Damrémont) en la prévôté de Coilly, et dont la copie suit, il résulterait qu'il y avait à Damrémont deux domaines distincts.

« Ce lieu de Damméremont appartenoit anciennement au sieur Amyot et dame Anne Mesnage son espouse, comme l'ayant acquis pendant leur com- munauté ; ensuite est décédée sans enf'ans ladite dame Anne Mesnage, la- quelle, par son testament du 24 septembre 1711, insinué, à Chaumont, le 8 mai 1714, a légué sa moitié au sieur Claude Amyot, grelfier de la Tour- nelle, à Paris, lequel a payé le 1U0« denier, à Chaumont, le 1=' avril 1715, sur le pied de G,0OL) livres.

« Ensuitte est aussy décédé ledit sieur Antoine Amyot, et par son testa- ment du 15 juillet, insinué, à Chaumont, le 22 du même mois, il a donné sa moitié à damoiselle Crisline Amyot, sa sœur, épouse du sieur Aubertot de Fresnoy, pourvu qu'elle laissât des enfans au jour de son décès, et à ce défaut, elle lui a substitué le s' Philippe Aubertot de Mauveignan et dame Crisline Aubertot, sa nièce, épouse du s' Guyot, et le 10 may 1718, ledit s' Pierre Aubertot de Fresnoy a payé le 100^ denier, à Chaumont, pour la moitié de ce lieu, et a déclaré que l'autre moitié appartenoit audit sieur Claude Amyot, comme héritier de ladite dame Anne Mesnage.

(( Ensuitte est décédée sans enfans la ditte Crisline Amyot, épouse dudit sieur de Fresnoy, et lesd. sieurs Philippe Aubertot de Mauveignan et Cris- tine Aubertot, épouse dud. s' Guyot, ont recueilli ces biens en vertu de la dite substitution.

« Lesdits sieurs Guyot et Cristine son épouse ont laissé pour enfans : Da"= Guyot, maiiée au s' Alexis Fèvre, maître particulier des eaux et forêts de Chaumont, et sont vivans l'un et l'autre en 1759. Plus le s^ Guyot demeure a'i Comté. »

Au moment de la Révolution, ce domaine appartenait à la famille noble Denys de Damrémont, illustrée par le général de division, Charles- Marie Denys, comte de Damrémont, gouverneur de T'Algérie, en 1837, tué au siège de Constantine.

La première partie, uou citée, de l'article ci-dessus, contient l'exposé des droits et possessions du roi et du prieur de "Varennes audit Damrémont.

50 LA PRÉVÔTÉ ROYALE

>' des bois dépendaus de la grurye de Coiffy el desdils villages, « ensemble la part el portion dont jouissait ledit seigneur 0 maréchal de l'Hôpilal, des dixmes eu grains desdils villages « el de celuy de la Neuvelle, el généralement tout le domaine, « choses, droits et revenu appartenant audit sieur vendeur c dans l'étendue desdits lieux... Celte vente eut lieu moyennant le prix de 8,U00 livres.

Par un contrat, eu dale du 7 novembre 1664, Mgr Félix Via- lart de Herse, évêquc, comte de Chàlons, pair de France, prieur de Varennes, acquit de Pierre Barbereau, le domaine ci- dessus. Le 8 juin 167 1 , il en céda une partie au prix de 4,000 livre?, à Charles Colbert du Terron, marquis de Bourbonne, el le 19 décembre 1672, il passa le reste, pour le même prix, à Laurent Bergerat, aumônier du roi, prieur de Radonvilliers et de Varennes.

/P division : La portion de domaine acquise, eu 1671 , par M. Colbert du Terron, et composée des droits casuels de la pré- vôté de Coiffy, c'est-à-dire des amendes arbitraires, des confis- cations, des droits de quinl et requiul, des rachats el reliefs, et autres procédant des fiefs mouvants de la châtellenie, passa, avec la lerre de Bourbonne, à sa fille aînée, mariée en pre- mières noces au marquis de la Rocbe-Corbon, et, en secondes noces, au prince de Carpeigna, qui les revendit, en 1711, à Nicolas Desmarels, marquis de Maillebois, contrôleur général des finances, et ministre d'Etat. Son fils, Jean-Baptiste Des- marels, marquis de Maillebois et de Bourbonne, maréchal de France, les aliéna, le 16 août 1731, au profit de Madame Charlraire de Bières. Après elle, les droits casuels de la pré- vôté échurent à François-Gabriel- Bénigne Charlraire, prési- dent au Parlement de Bourgogne, appelé le président de Bour- bonne. A sa mort, survenue eu 1740, ils passèrent à sou frère Marc-Antoine- Claude -Marie Charlraire, aussi président au même Parlement.

Reine-Claude Charlraire, sa fille unique, porta la terre de Bourbonne, le casuel de la prévôté et tous les biens de sa mai- son à Paul-Albert de Mesmes, comte d'Avaux, qui se quali- fiait, à l'occasion, de haut justicier de Cuiffy.

A la suite de l'arrêt du Conseil du 26 mai 1771, révo- quant les aliénations des droits dûs au roi pour les mutations qui étaient dans ses directes, cette portion du casuel devint très onéreuse pour les engagisles, qui se trouvèrent ainsi pri- vés des importants produits du quint et du requinl, el n'eurent plus qu'un revenu insuffisant pour faire face aux frais de jus-

DE COIFFY-LB-CHATEL 51

tice et aux autres charges de l'eugagemeut. Ils ue purent pro- fiter de la clause de rachat, car, à la proposition qu'ils en firent, il fut répondu que le roi ne pouvait accepter que la remise totale du domaine de Chauraont.

division : Le domaine acquis par M. Laurent Bergerat comprenait les droits de hallage, lods et ventes, échets, bour- geoisies, plus la moitié de l'affouage ou gruerie et de la portion restante des redevances en grains des villages de la prévôté, et de celui de la Xeuvelle. Il le vendit, le li mars 1682, à Mgr de Simiane de Gordes, évèque do Langres et titulaire du prieuré de Vareunes. On a vu qu'il se dessaisit du droit d'af- fouage, du quart des rentes, redevances et coutumes, au profit d'Antoine Geoffroy, déjà seigneur en partie de Coiffy. Le 17 septembre IG88, il vendit ce qui lui restait, c'est-à-dire les greffes, les tabellionnages et l'autre quart des dîmes ou rede- vances, à Henri le Picard de Nouvilliers. Sou fils, Louis le Picard de Xouvilliers, écuyer, ?eigneur d'Ascourt, en hérita. Une adjudication, faite en 1727, l'allribua à Jean-Baptisle Faroard, avocat au Conseil, moyennant un supplément de 20 livres de rente. Mais cette adjudication resta sans effet, par suite de l'opposilion formée par le duc d'Orléans, en vertu d'un arrêt du Conseil d'Etat, du 25 juillet 1741, se référant à celui du 13 juillet 1706, qui reconnaissait à ce prince le droit de réunir au domaine de Chaumont les parties qui en avaient été distraites et sous-engagées avant ou depuis 1612, soit par les commissaires généraux, soit par le maréchal de l'Hôpital et sa femme. L'eugagère resta aux mains de M. de Nouvilliers. Ses enfants, Bernard le Picard de Selaincourt, ancien capitaine de cavalerie, Joseph le Picard d'Ageville, ancien officier au régiment d'Anceuis. et Anne le Picard, veuve de Nicolas Legros, conseiller du roi en l'élection de Langres, la rétrocé- dèrent au duc d'Orléaos, contre le paiement d'un capital de 4,944 livres, fixé par un arrêt du Conseil d'Etat du 21 mars 1743.

VI^ division : Par un contrat passé à Paris, le 2o janvier 175o, le duc d'Orléans fit cession à Claude- Joachim Crapelet, seigneur en partie de Fresnes, mentionné plus haut, du domaine qu'il avait repris de MM. le Picard, et le maintint dans la jouissance et la possession des autres portions provenant des aliénations faites antérieurement au profit de Laurent Bezot, du maréchal de l'Hôpital, ainsi que des acquisitions faites sur M. Tellez d'Acosta. Le duc d'Orléans se réserva toutefois les mouvances féo-

52 LA PHÉVÔTÉ ROYALE

dales, les droits de quiet et de requiut. de relief, et la nomî- ualiou aux offices de la prévoie.

M. Crapelet s'engagea à entretenir l'auditoire et les prisons de la prévôté de Coifify, ainsi que les bâtiments domaniaux de toutes réparations, d'acquitter les gages et les charges dont les domaines pouvaient èlre tenus, y compris la nourriture et l'en- tretien des enfants tiK)uvés, ainsi que les frais de justice, tant au civil qu'au criminel. Il s'obligea enfin de payer annuellement à la recette ordujaire du duc d'Orléans une redevance de cinq cent trente bichels de froment el d'une égale quantité d'a- voine.

Le 3 décembre l7oG, M. Crapelet pa-sa son engagère à Joseph Carbelol, avocat en Parlement à Laugres. Un arrêt du Conseil, du 23 août 1783, rendu au profi.t du duc d'Orléans, ordonna la réunion des domaines de Coiffy et environs au comté de Chaumout. Une quittance notariée, du 5 septembre de la même année, constate que M. Claude-Joseph Carbelot, fils du précédent, fut rembouisé, par Louis-Philippe d'Orléans, de la somme de 14.767 livres, 9 sous et 9 deniers, fixée par le Conseil pour la reprise de ces domaines.

Finalement, la maison d'Orléans resta, à peu d'exceptions près, jusqu'à la Révolution, en possession du comté engagé de Chaumont, et, par suite, des domaines de la prévôté de Coifîy.

{A suivre.) A. Bonvallet.

NÉCROLOGIE

Nous avons appris, avec un profond regret, la morl, à [.ou- vercy, de M. Jules Remy, un savant et un écrivain qui faisait honneur à la Champagne.

Fils d'un ancien instituteur de sa commune natale, M. Jules Remy, le 2 septembre 1826, fit ses études au l'etit-Séminaire de Châlons. Doué de rares aptitudes pour les sciences naturelles et surtout pour la botanique et la minéralogie, il alla à Paris suivre les cours du .Muséum et fut, de 1848 k 1850, professeur suppléant au collège Rollin. A cette dernière date, il reçut une mission scientifique aux îles Hawaï ou Sandwich. Après avoir, sur sa route, visité les Canaries, le Brésil, le Chili, la Bolivie, le Pérou, les archipels Océaniens, il resta trois ans àHonolulu,où il était un des premiers Français qui eussent visité ce pays et il sut gagner l'amitié du roi indigène.

M. Jules Remy a bien voulu à diverses époques, soit dans des conférences faites à Châlons, yoit pour nos lecteurs, détacher quelques chapitres de son journal de voyage, et on n'a pas oublié peut-être sa description du volcan le Kilauea et ses ascensions sur les hautes cimes de l'Archipel, d'où il lui fut donné de contempler les horizons infinis du Pacifique.

M. Remy, accompagné de l'anglais Brenchley, son ami, dont la Société Académique de Châlons possède d'intéressantes relations de voyage, visita ensuite la Californie et la région du Lac-Salé, venait de s'établir depuis quelques années la secte religieuse des Mormons. Le Voyage au Pays des Mormons, de M. Jules Remy, fort belle publication en deux volumes, dont le Tour du Monde a emprunté plus lard les gravures, fut le premier ouvrage qui fit connaître en France la religion fondée par Joseph Smith, et dont le patriarche était alors Brigham Young.

MM. Jules Remy et Brenchley ne rentrèrent en France qu'après de nouvelles pérégrinations dans les deux Amériques. Outre les travaux scientifiques sur la flore hawaïenne qu'il a écrits pour le Muséum, M. Jules Remy a publié VHisloire des îles Sandwich^ une grammaire de la langue hawaïenne, etc.

Plus tard, il fit une excursion dans l'Indoustan et en Extrême- Orient; il a publié, comme souvenir de ce voyage, une Yisile au monastère boudhisle de Pemmiantsi (Himalaya).

La plupart de ces ouvrages ont été traduits en anglais.

Dans l'intervalle de ses courses lointaines, M. Jules Remy venait se reposer dans la modeste maison natale, qu'il appelait la Cal- meuse de Louvercy. Là, il aimait à recevoir ses amis, et ceux-ci n'oublieront jamais cet homme doux et bon, à la conversation

54 NÉCROLOGIE

pleino de pravité el de charme. L'an dernier, la perte d'une lille bien-aimée est venue attrister ses derniers jours et lui porter un coup dont il ne devait plus se relever.

Les obsèques de M. Jules Remy ont eu lieu le 4 décembre à Louvercv. (Journal de la Marne.)

Le général Herbt-, qui habitait Trévoux depuis sa mise en retraite, est mort le 14 décembre dernier.

Sorti de Saint-Cyr en 1844, le général Herbe avait fait la cam- pagne de Crimée il fut blessé au combat de Traktir, la cam- pagne du Mexique il fut encore blessé et d'où il revint chef de bataillon, et enfin la campagne de 1870 il fut blessé de deux balles à Gravclotte.

il avait été nommé lieutenant-colonel en ]87-2, colonel en 1877 el général de brigade en 1882. Il était commandeur de la Légion d'honneur depuis le 12 juillet 1880.

Le général Herbe était retraité depuis 1886.

Il comptait parmi nos compatriotes : ses parents habitaient Villers-AUerand (Marne). Il avait publié naguère d'intéressants souvenirs de sa carrière militaire, entr'autres sur le siège de Sébastopol.

» »

Le 26 décembre, ont eu lieu à Eteignères (Ardennes), les obsè- ques du général Lallemand, ancien commandant de corps d'armée, mort récemment.

La levée du corps a été faite par M. le curé-doyen de Signy-Ie-» Petit. L'église était remplie de monde. A chaque pilier, un écus-» son à l'initiale du défunt, surmonté d'un trophée de drapeaux.

Dans la nef, même décoration avec catafalque, sur lequel flottent les trois couleurs.

Les cordons du poêle étaient tenus par MM. les généraux Bru- gère et Leplus; Lardin de Musset, préfet des Ardennes, et Tirman, sénateur.

Le Conseil municipal, au grand complet, est conduit par le maire, M. le commandant Vinot. Vient ensuite la Société de Jeu-. nesse, drapeau voilé de crêpe en tète. M. le capitaine Jouart, neveu du général, et MM. les lieutenants Wiriot et Jacquemin, conduisaient le deuil.

La gendarmerie et les douaniers formaient la haie.

M. l'abbé Ludet, curé d'Eteignères, a prononcé l'oraison funèbre du défunt, dont il a montré les qualités comme citoyen.

Au cimetière, M. le général Leplus a pris la parole. En termes émus, il a retracé la vie militaire de son supérieur, vie faite toute, de dévouement et d'abnégation.

NÉCROLOGIE 55

Nous apprenons la mort de M. l'intendant général de la Clie- vardière de la Granville, grand-officier de la Légion d'honneur, en retraite, depuis quelques années, à Môziôres.

M. de la Granville appartenait à une vieille famille ardennaise qui, depuis un siècle, a fourni à l'armée de nombreux et brillants ofticiers.

Ancien intendant du corps d'armée, puis intendant général, M, de la Granville laissera dans l'armée le souvenir d'un officier de grande valeur et de grande distinction, et dans la mémoire de ceux qui l'ont connu, celui d'un homme aimable, dévoué et pro-

l'ondément bon.

*

Le 2G décembre 1893, est mort ù Reims, M. Defrançois dit le « père de la gymnastique )>.

M. Defrançois était, en effet, un passionné de la gymnastique, et il a beaucoup fait pour en développer, chez nous et dans la région, le goîit et les exercices. On sait dans quelle large mesure il a réussi.

Les pouvoirs publics ont tenu compte à M. Defrançois de ses elforts ; à ce seul titre, il a été successivement nommé officier d'Académie, officier de l'Instruction publique^, enfin chevalier de la Légion d'honneur.

Il venait à peine de prendre sa retraite, et n'aura pas joui long- temps d'un repos si bien mérité.

M. Defrançois était, depuis plusieurs mois, fort souffrant, sujet à de douloureuses suffocations; c'est dans une de ces crises qu'il a succombé.

Le 29 décembre ont eu lieu les obsèques, qui ont pris les pro- portions d'un deuil public. Cet homme, tout cœur et tout dévoue- ment, avait pris une part si active à toutes les œuvres de bien et de dévouement dans notre pays, que toutes les Sociétés rémoises portent aujourd'hui son deuil et ont tenu à figurer dans son cor- tège funèbre, et par de nombreuses délégations et par de magni- fiques couronnes funèbres.

M. Defrançois étant sans famille, à Reims du moins, c'est le Lycée qui a voulu se charger des soins et frais de ses funérailles; le Proviseur conduisait le deuil, suivi de tous les professeurs et des élèves.

M. Defrançois étant chevalier de la Légion d'honneur, un piquet du 132" de ligne lui a rendu les honneurs militaires à la maison mortuaire, au moment de l'enlevée du corps.

Les sapeurs-pompiers, commandés par MM. Glignet et Ninet, escortaient le corbillard et faisaient la haie. Les coins du poêle étaient tenus par MM. le docteur Décès, représentant les légion-

fJ6 NÉCROLOGIE

naires, la Croix-Rougc et la Fraievnelk, Trézaune (Lycée), V. Alvin {Ancienne), Cachet (médaille d'hoiineiir), Loche (sapeurs- pompiers), Salaire (sauveteurs).

Devant le corbillard marchaient les enfants de la Charité, aux- quels M. Defrançois faisait gratuitement un cours de gymnastique. Derrière, après le Lycée, c'était une longue suite de couronnes; ]uiis les légionnaires, les médaillés d'honneur, les membres de la Croix-Uouf/c, les ofdciers de pompiers, les sauveteurs, l'^neien/je, dont M. Defrançois était l'un des fondateurs, et les vétérans de ['Ancienne; toutes les Sociétés de gymnastique de Reims avec leurs drapeaux; le Réveil d'Epernay avec son président, M. Berney; la Société amicale des anciens élèves du Lycée; la Société d'es- crime de Reims, dont M. Defrançois était le président d'honneur. Parmi les couronnes, nous citerons celle des Sociétés de gymnas- tique de Reims et celle de VUnion, des Sociétés de Reims. A ré>];lise, nous avons remarqué plusieurs pensionnats et écoles de jeunes filles qui recevaient les leçons de M. Defrançois.

Au cimetière, M. le Proviseur a pris le premier la parole.

C'est avec une vive émotion, dit-il, qu'il vient, au nom du Lycée, rendre un dernier témoignage d'alfeclion et de respect au dévoué Defrançois, qui, depuis quarante ans, occupait au Lycée une place qu'il avait su se faire grande par la noblesse de son caractère, par son zèle infatigable.

à Lyon en 1826, d'une famille aisée, Claudius Defrançois avait dû, à la suite de revers, se faire soldat. Le hasard des gar- nisons l'amène à Reims en 1853, et très peu de temps après il était admis au Lycée comme professeur d'escrime et de gymnas- tique. Le vent ne soufflait pas encore à la gymnastique : il lui fallut acheter à ses frais les premiers appareils, qui ne lui ont pas encore été remboursés jusqu'à ce jour.

Depuis ce temps, animé d'une foi profonde, il a consacré à la gymnastique tout son temps, son cœur et ses forces. S'attachant à l'étude de l'anatomie et de la physiologie, il s'était fait de la gymnastique une conception philosophique, l'envisageant surtout dans sa fonction hautement et harmonieusement éducatrice, faisant planer au-dessus de tout l'image de la patrie. C'était un philosophe, mais un philosophe plutôt pratique que théorique, dans la connaissance et l'application autour de lui du bien, du beau et du vrai.

Aussi descend-il dans la tombe entouré du respect de tous ; nous, ses collègues, nous lui conserverons un souvenir plein d'atïection; à vous, ses élèves, il laisse un bel exemple à suivre. Et aujourd'hui, après une vie si bien remplie, il jouit de la contemplation de Dieu !

Adieu! mou cher Defrançois, au nom du Lycée. Adieu!

M. le D' Doyen s'avance au bord de la tombe et prononce ce discours d'une voix émue :

NECROLOGIE 57

Messieurs, C'est avec une douloureuse surprise que les gymnastes rémois ont appris la mort de M. Delrançois, car le vaillant professeur municipal était encore à son poste mardi matin.

Bien que sa santé fût visiblement altérée, notre ami avait conservé toute son énergie morale, et nous pouvions espérer qu'un repos bien mérité lui permettrait de reprendre des forces et de rester longtemps encore avec nous. Il faut nous incliner devant les décrets de la Providence! En le frappant si brusquement, elle a voulu pout-êlre réaliser pour lui le rêve généreux des braves : « Mourir au champ d'honneur. »

La laborieuse cariière de M. Defrançois est l'œuvre d'une conviction pro- fonde dans refficacilé moralisatrice de la gymnastique; avec la haute con- ception de la mission du gymnasiarque, il n'a rien négligé pour s'instruire en analomie, en hygiène, en morale. On lui reprochait volontiers ses incur- sions dans le domaine de la phiiosopliie spéculative ; et pourtant n'avait-il pas raison d'affirmer l'étroite parenté de la gymnaîlique et de la morale ; n'est-il pas jut^te de dire avec lui que le gymnase est une école libre de discipline, oii se forme la dignité du caractère, se révèlent et se déve- loppent les robustes volontés? Mens sana in corpore sano.

Le prosélytisme de l'apôlre devait porter ses fruits. Peu après sa nomi- nation au Lycée, M. Defrançois décida le proviseur, M. Joquet, à réclamer du ministère la réfection du vieux gymnase; puis, dès 1864. il sut inté- resser les notabilités du parti libéral, les Warnier, les FéUx Cadet et d'autres à l'institution des cours populaires, qu'il professa gratuitement dans son local de la rue Hincmar avec la collaboration d'anciens élèves, Paul Douce, Seuvre, Berney, Trioulcyre, Legaye ; il devançait ainsi de dix ans au moins la sollicitude des pouvoirs publi:s pour les entants de nos écoles primaires.

C'est encore à lui qu'on doit la fondation à Reims de la première Société de gymnastique, qui fut la souche des nombreuses Sociétés voisines.

En 1870, c'est lui qui sut entlammer d'un souffle patriotique nos jeunes gymnastes, dont pas un ne naanque à l'appel pour voler à la dé^en^e de la patrie. Plus tard, après les cruelles épreuves de l'année terrible, nous le voyons prodiguant à tous ses encouragements et ses conseils; et quand la cause de la gymnastique est définitivement gagnée, il poursuit sans relâche la mission qu'il s'est donnée ; il assiste aux concours et aux congrès et partout il est le champion respecté de la dignité et de la moralité.

Malgré cette activité incessante, le professeur reste l'esclave du devoir, il apporte tous ses soins à la bonne tenue, à l'exécution correcte des exer- cices, et il poursuit avec conviction l'application du chant aux mouvements d'ensemble. Aussi en 1880, lors de la fête du Congrès pour l'avancement des sciences, il mérite les chaleureux éloges du Président, M. Krantz, et de ses collègues, pour la charmante série d'exercices exécutés par les écoles communales de filles de Reims.

Plus heureux que certains de ses devanciers, M. Defiancois a vu ses mérites reconnus et appréciés.

En 1872, il reçoit de M. Jules Simon les palmes d'officier d'académie. Dix ans plus tard, il est promu officier de l'instruction publique.

En 1878, le Conseil de l'Union des Sociétés de gymnastique de France lui décerne le titre de membre d'honneur; enfin, en 1889, il a la joie suprême d'être décoré par le Chef de l'Etat devant six mille gymnastes de tous pays, qui acclament en lui le Pire de la Gymnastique dans la région de l'Est.

58 NÉCROLOOIE

Dans cet expo>é Lien écourié de l'œuvre accomplie par M. Defrançois, vous avez, Messieurs, reconnu sa volonté de fer, son courage à toute épreuve; mais je n'ai touché qu'un côté de son excellente nature.

M. Defrançois n'a pas connu les joies de la vie privée; son cœur aimant reporta toute su tendresse sur les humbles et les déshérités. Lorsque les BulFrages unanimes lui attribuèrent le prix Ruirette de mille francs, il vint recevoir son diplôme avec une satisfaction bien légitime ; mais le lauréat, qui vivait moJestement d'un travail sans relâche, s'empressa de distribuer l'argent en œuvres de bienfaisance.

Pendant de longues années, oubliant sa fatigue, apr^s un labeur souvent écrasant, il consacra une partie de ses loisirs à enseigner gratuitement la gymnastique aux enfants déshérités de l'Hôpital- Général, méritant ainsi d'une façon aussi discrète que délicate le titre de bienfaiteur des pauvres.

Avec tout le sérieux de son existence, M. Defrançois n'était pas un morose, j'en appelle au témoignage de nos chers gymnastes qui l'ont vu prendre part à nos fêtes avec un entrain juvénile et comrïiunicatif ; et, dans l'intimité amicale d'un cercle restreint, il n'y avait pas de causeur plus egréable, plus pittoresque, plus animé.

Cher Monsieur Defrançois,

Au moment de l'éternel adieu, laissez-moi invoquer votre exemple pouf" réconforter les sceptiques et les hésitants.

Votre vie entière proclame celte vérité que le travail, que l'abnégation et le dévouement sont les grandes et fécondes vertus sociales, et qu'en les pra- tiquant résolument, l'homme de cœur peut se consoler de toutes les tristesses.

Vous avez bien mérité de tous; au nom de notre vieille amitié, au nom des gymnastes, vos enfants adoptifs, adieu et merci!

M. le D'' Decè> prend ensuite la parole eti ces ter.Ties :

Cher Defrançois,

Je ne puis m'éloigner de cette tombe sans vous adresser aussi un dernier adieu, au nom de la Société de la Croix-Rouge, et me faire l'iolerprète des regrets de tous nos camarades.

D'ailleurs, on ne pourra jamais dire tout ce que vous avez fait de bien pendant votre vie si occupée, si parfaitement remplie. Commeûcée au régi- ment, continuée dans les œuvres patriotiques auxquelles vous avez coopéré, il fallait la fioir en songeant encore au bien-être de nos soldats. Dimanche dernier vous étiez au milieu de nous, vous occupant de la Société de secours aux blessés militaires, nous donnant l'exemple de l'exactitude, de la disci- pline, du devoir. Oui, vous avez été une grande figure et un grand patriote; ceux que vous avez formés et instruits sont une légion à laquelle vous avez enseigné, mieux que personne, l'amour de la Patrie et de l'humanité.

Toujours séduit par le beau et le bien, vous avez toujours poursuivi l'idéal, et personne n'oubliera votre enthousiasme d'apôtre pour ce qui était bon, voire indignation parfois si vive pour ce qui était grossier ou mauvais. Nous verrons sans cesse votre figure, si énergique, si éclairée par la pensée du devoir, nous entendrons toujours l'écho de votre parole si chaude et vibrante pour combattre le mal. Que de fois, dans la plus simple conversation, nous vous voyions vous animer subitement et vous emporter contre les indilférents et les paresseux. Avec cela nous connaissions toute votre abné- gation, votre désintéressement; on ne saurait trop le répéter, vous vous

NéCROLOGIK b9

(loiiQiez tout entier, allaul môme au delà de vos forces lorsqu'il s'agissait de faire quelque chose de bien.

C'esl aiusi que vous avez voulu venir, eu déclin de votre généreuse car- rière, instruire nos infirmiers, leur apprendre la manœuvre du brancard et surtout leur donner le précieux exemple de i'araour et du devoir. Ne pou- vant plus combattre dans les guerres futures, vous avez consacré vos der- niers efiorts à montrer comment on peut adoucir les dangers des combats, soigner les blessés et conserver au pays de précieuses existences ; vous avez admirablement rempli ce rôle modeste, moins glorieux que les autres, mais éminemment utile.

Non, nous ne vous oublierons pas, cher Defrançois, et nous espérons que dans le séjour meilleur le juste doit trouver la récompense d'une vie bien employée, votre âme se réjouit encore en nous voyant tous continuer les œuvres auxquelles vous aviez consacré voire vie.

A son tour, M. A If. de Tassigiiy prend la parole.

Au nom des légionnaires, des médaillés d'honneur et des sapeurs-pompiers, il vient adresser à Defrançois le dernier adieu. Entré dans la Compagnie en 1860, il a rendu de grands services, toujours le premier partout. Il l'enlendait à cette époque, jetant un regard clairvoyant sur la situation générale, s'éciier: i< Quel dommage que la jeunesse française ne se prépare pas dès main- tenant pour le métier des armes! » Il se plaignait de n'être pas compris; et cependant il voyait juste.

En 1871, quand des mains scélérates mirent le feu aux princi- paux monuments de Paris sous les yeux des Prussiens, il fut le premier à demander à partir ; et c'est après cette campagne de quelques jours qu'il reçut une médaille d'tionneur.

C'est à partir de celte époque que Defrançois se lit l'apùlre de la gymnastique dans le Nord-EsL de la France, et sa parole enfanta par centaines les Sociétés de gymnastique.

Il eut bien des chagrins qu'il savait souffrir en silence; et, dans les derniers jours de sa vie, il invoqua Dieu, le grand consolateur.

Cher Defrançois, recevez notre suprême adieu! Nous garderons précieusement et pieusement le souvenir de vos vertus.

BIBLIOGRAPHIE

Fctes Franco-Biisses. La Russie et le pays rémois (1048-1893), Confé- rence donnée à Cernay-les- Reims, le dimanche 22 octobre 1893, par Henki Menl-, bibliophile; Reims, Imprimerie coopérative, 10-4" de 28 pp.

Sous ce litre, el avec l'épigraphe : « Reims est la Moscou française » empruntée à M. le D-^ H. Henrot, maire de Reims, M. H. Menu vient de résumer tous les souvenirs ayant Irait aux relations de Reims et du pays rémois avec la Russie. Le sacre d'Anne de Russie, les projets de Colbert, la visite de Pierre-le- Grand dans la ville du sacre en 1717, les faits de l'occupation russe en i814, les ambassades des généraux Chanzy et Appert, le voyage et les lettres de M. Louis Paris, voilà autant de sujets traités avec tous les détails et la précision désirables. Une biblio- graphie régionale franco-russe termine la publication et lui assure un intérêt historique durable. H. J.

BossuET EN Normandie. Discours prononcé dans la séance solennelle de rentrée des Facultés de Caen, le 3 novembre 1893, par Armand Ga8TÉ, professeur à la Faculté des Lettres de Caen,... Caen, H. Delesques, imprimeur-libraire, 189 î, in-8°, 50 p et planche.

Nous avons déjà eu l'occasion de parler, dans un des derniers numéros de cette Revue, des travaux entrepris sur Bossuet par M. Armand Gasté' et publiés dans les Mémoires de l'Académie de Caen. Aujourd'hui, le savant professeur nous présente le grand évoque de Meaux sous un nouvel aspect, et, sans vouloir contester à la Bourgogne d'avoir donné naissance à l'éminent prélat, il le revendique pour la Normandie, comme ayant été pendant plus de trente-deux ans... prieur commendataire de l'abbaye du Plessis-Grimault a à huit lieues de notre bonne ville de Caen »!

« Ceci, s'empresse d'écrire M. Gasté, n'ajoute pas beaucoup à sa renommée, me direz-vous. J'en conviens; mais comme rien ne nous doit être indiiférent de ce qui touche à ncis grands écrivains, laissons-nous, si vous le voulez bien, séduire pour quelques ins- tants à celte « curiosité » dont parle le premier historien de l'Académie française, Pellisson, « curiosité extrême el insatiable de tout ce qui fait connaître à fond les mœurs, le génie, la for- tune des personnes extraordinaires » ; et qu'il me soit permis, à l'aide de documents inédits ou très peu connus, sinon d'enrichir,

1. 1893, p. 373.

BIBUOGRAPHIE 61

du moins d'augmenter la vie de Bossuet d'un chapitre qu'on pourrait intituler : « Bossuet en Normandie. »

C'est au moment il venait de renoncer à l'évêché de Condom pour remplir, sans réserve, les fonctions de précepteur du Dauphin que Bossuet, évêque sans évêché, reçut de Louis XIV, en 1671, le bénéfice du Plessis-Grimault, d'un revenu de dix à douze mille livres auquel ne tarda pas à venir s'ajouter l'abhaye de Saint- Lucien de Beauvais, qui en valait 2o,000.

Bien que nommé en 1681 à l'évêché de Meaux, Bossuet conserva le Plessis-Grimault jusqu'à sa mort, mais il n'y vint qu'une fois en 1682, lors d'un voyage qu'il fit en Normandie pour aller à la Trappe de Mortagne voir l'abbé de Rancé. Il fut, à son passage à Caen et à Bayeux, l'objet d'honneurs extraordinaires et l'un de ses anciens professeurs, Guillaume Marcel, curé de Basly, lui adressa une pièce de vers latins dont M. Gasté a reproduit quelques pa'ssages.

« Les raisons qui amenaient Bossuet en Normandie, dit notre historien, étaient, sauf son ardent désir de passer quelques jours dans la méditation et la prière avecj'abbé de Rancé, d'un ordre assez inférieur. Il venait au Plessis (cela ne peut soulever aucun doute), pour faire une visite de politesse, bien qu'un peu tardive, aux moines de son abbaye ; il venait aussi du moins, il est permis de le supposer, et cette supposition n'a rien d'injurieux pour Bossuet, qui était le désintéressement en personne*, afin de s'entendre avec son mandataire de Caen, à qui il avait donné procuration pour louer en son nom les dîmes dépendantes du prieuré, et toucher en son lieu et place ses revenus. C'est assez prosaïque, je n'en disconviens pas, mais c'est très humain, et un grand écrivain, fùt-il évêque et théologien, n'est pas forcément « disqualifié » pour avoir quelquefois pris soin de ses intérêts temporels, n

Nous ne suivrons pas M. Gaslé dans les détails fort intéressants qu'il nous donne sur l'administration de Bossuet au Plessis-Gri- mault, sur les différents revenus qu'en tirait pour lui son manda- taire, Thomas Blanchard, écuyer, trésorier de France à Caen. Celui-ci, en bon normand, ne manqua pas d'entraîner le « sei- gneur abbé )) dans un procès au bailliage de Caen, puis au Par- lement de Rouen, sur la dîme des sainfoins de Fontaine-Etoupe- four, que celui-ci perdit du reste contre le curé de cette paroisse, qui obtint du Parlement la restitution de deux années de la dîme perçue à tort par « ledit Bossuet », comme dit l'arrêt. C'est seu- lement grâce à un désistement en règle que Monseigneur de Meaux dut de n'avoir pas à en soutenir un également contre ses religieux au sujet de la jouissance d'une cuisine.

En terminant, M. Gasté détruit la légende qui fait considérer

1. « Bossuet négligeait souvent, trop souvent même, ses affaires tempo- relles, et il est mort laissant des dettes ». Op. cit.

62 BIBLIOGRAPHIE

comme un don de Bossuel un très beau calice en argent conservé encore dans l'église et qui porte sous le pied l'inscription suivante ;

DV PLESSIS-GRIMOVLT, 1669, LE 20 DE FEVRIER.

antérieure de deux ans à sa nomination de prieur commenda- laire. Maintenant, rien ne s'oppose à ce qu'il lui ait servi lurs de son voyage de 1682 et c'est ce qui perniet de maintenir à ce vase sacré, qui est une véritable ojuvre d'art, le nom de. Calice de Bossiiet.

« Les moindres circonstances de la vie de Bossuet doivent être relevées », disait, il y a deux siècles, le lieulenanl-général de Meaux, M. Payen ; c'est ce que vient de faire l'auteur de Bossuet en Xonnundiej c'est ce que nous ferons peut-être un jour k notre tour en parlant de Bossuet, abbé de Saint-Lucien de Beauvais.

Comte DE iMarsy.

Sommaire de la Revue d'Ardenne el d'Àrgonne. iNovembre- Décembre 1893 :

A. DoNNAY, L'Ardtnne, ses limiles, sa constitulion, ses divisions. Ch. Houin, Excursion sur la Dasse-Scmoij : le Roc de la Tour. P. CoLLi.NET, Xolice sur le Cartulaire municipal de Mouzon.

Poésies. II. Dacbemom, Automne en Ardenne. G. Leleau, Rondeau du Moulin perdu. J, Dépaquil, Paysage. Bibliographie. Variélés. Phototypie hors texte : Le Roc de la Tour,

CHRONIQUE

SeA.NXE FfULIQCE AN.NCELLE llE LA SOCIETK d'AgUIlLL I LIU;, CoM-

mercp:, ScfE.NCK? ET Arts le la Marne. La Société académique de la Manie a tenu, le "^jj aoiH 1893, sa séance publique annuelle dans le grand salon de l'HAtel de Ville, mis obligeamment à sa disposition par M. le Maire de Cbâlons, et qui était trop étroit pour la brillante assistance qui s'y pressait.

A deux beures, M. Rivière, président, |iril place au fauteuil, entouré de M. Pélicier, vice-président, de MM. le commandant Simon, Horguelin, Auguste Mcaise, l'abbé Appert, l'abbé Pui- seux, Lucotte, d'Avize^ Brouillon, de Givrv-en- Argon ne, Morel, le savant archéologue rémois, et d'autres membres de la Société.

Le sujet du discours de M. A. Rivière était l'Art et la Fantaisie. L'amateur, le collectionneur, l'homme de goût semblaient s'être unis, chez Toraleur, pour lui fournir d'heureuses inspirations.

M. l'abbé Puiseux a, dans son rapport de tin d'année, donné le compte-rendu des travaux de la Société. Comme toujours, sa plume rapide et élégante a su aborder en se jouant les sujets les plus divers. 11 a fait pénétrer ses auditeurs dans ces paisibles et aimables réunions de quinzaine les membres apportent tour à tour le produit de leurs travaux, de leurs recherches, le dépouillement d'une correspondance abondante, l'échange de mémoires avec les autres Sociétés steurs réparties sur le territoire de la France, mettent l'Académie chàlonnaise en rapport avec de multiples foyers d'études.

M. l'abbé Puiseux a signalé notamment les lectures de MM. Péli- cier, Horguelin, Poinsignon, se référant à l'histoire de la Cham- pagne, à laquelle elles apportent des indications nouvelles; les lectures de M. le Secrétaire lui-même, sur Notre-Dame de l'Epine, ses heureuses découvertes lui ont permis de détruire l'erreur his- torique qui attribuait à un ai'chitecle anglais la construction de la merveilleuse église de l'Epine : cette « fleur de l'architecture gothique », comme l'appelait Victor Hugo, fut l'œuvre d'un Châ- jonnais.

On s'occupe avec zèle, à notre époque, de créer l'assistance médicale dans les campagnes; M. l'abbé Puiseux a montré par uii livre de comptes du xvii» siècle que cette assistance fonctionnait, il y a deux cents ans, dans la paroisse de Soudron.

M. le Secrétaire mentionne encore l'historique des imprimeurs de Châlons, par M. Amédée Lhote. Ce livre, en cours d'impression, rappelle que notre ville eut

64 CHUONIQL'E

Ihonneur de posséder une imprimerie dès la fui du xv siècle, c'esl-à-dire longtemps avant les autres villes de la région.

Nous signalerons, d'après M. le Secrétaire, l'étude sur le général Sainte-Suzanne, publiée par son fils. Le général Sainte-Suzanne fut un des plus distingués lieutenants de Moreau dans les belles campagnes du Kliin et du Danube, et son nom mérite de survivre.

La correspondance d'un Chàlonnais, le général Camus, a été communiquée à la Société par un de ses membres, M. Marcout. Le général Camus, qui fut gouverneur des lies Ioniennes, et qui devait mourir dans la campagne de Russie, se trouvait à Naples en 1806, lors d'une grande éruption du Vésuve. Une de ses lettres en donne la curieuse description. Coïncidence singulière: parmi les témoins de cette éruption se trouvait une petite lille qui, aujourd'hui plus que nonagénaire, habite Châlons, et a conservé la mémoire de ce spectacle terrifiant.

M. Armand Bourgeois a lu une notice fort instructive sur une famille de Chàlonnais illustres, les frères Varin, les graveurs célè- bres, dont le nom est déjà honorablement connu au xvii« siècle et n'est pas près de s'éteindre. M. Bourgeois a donné une fort agréa- ble description de la maison de campagne de ces artistes, à Crouttes, près Château-Thierry.

M. Baltet, le grand horticulteur troyen, devait lire une causerie sur la Rose en Champagne. Retenu par une indisposition, il avait chargé son fils de se rendre à Chàlonsavec son manuscrit, et cette charmante et spirituelle causerie a été lue par un des membres de la Société, M. Brouillon. La Rose avait inspiré l'auteur; il en a fait non pas le roman, mais l'histoire, écrite de ce ton élégant et badin qu'aimaient nos pères et la science se présente avec les grâces du madrigal. Lecteur et auteur ont été vivement applaudis.

M. .\uguste Nicaise a analysé un roman, a Sohdarité », couronné par la Société. Ce roman est une étude de mœurs, qui couvre sous l'éclat du style une donnée un peu amère, dans le genre de celles qu'affectionne Bourget.

M. Pélicier, avec le talent plein de sobriété qu'on lui connaît et avec sa parfaite compétence, a lu le rapport sur le concours d'his- toire. L'une des récompenses décernées ne pourra plus être dépo- sée que sur une tombe. 11 s'agit d'une étude historique sur Vertus écrite par le regretté doyen de cette paroisse, M. l'abbé Thibault.

Une autre récompense a été décernée à l'auteur d'une étude sur la ferronnerie à Vitry-le-François. Il serait intéressant qu'un travail du même genre fût exécuté pour Chàlons, existent tant de curieux spécimens de l'art de la ferronnerie.

M. le commandant Simon, au nom de M. Marcout, a lu le rap- port sur les concours d'agriculture, rapport intéressant qui recher- che le moyen de combattre la dépopulation des campagnes et qui indique l'un des plus efficaces: le développement de l'enseigne- ment agricole.

CHRONIQUE 65

L'exploitation récompensée celte année, pour son imporlatice et riiabileté de sa direction, est celle de M. Person-Debar, à Clià- lois, qui ne comporte pas moins de 2oO hectares.

M. l'abbé Appert a lu le rapport sur le prix Savey, otlert à une jeune lille méritante de la campagne. Cette année, grâce à la munilicence de M. le président Hiviére, un prix pour actes de dévouement a pu être décerné. Ce prix a été obtenu par M"* Guyot^ institutrice depuis vingt-six ans à Fromenlières, et qui, à plusieurs reprises, dans des épidémies meurtrières de rou- geole, de croup, d'inlluenza, a prodigué aux malades de la com- mune ses soins éclairés et intelligents.

Une ovation a été faite à M"' Guyot ainsi qu'au généreux dona- teur.

11 a élé ensuite procédé à la proclamation des lauréats.

Comme les années précédentes, celte séance était agrémentée, illusliée, de morceaux de musique exécutés par Al. et M"" Huet et l'orchestre qu'ils dirigent, et aux premiers rangs duquel on aime à applaudir leurs jeunes enfants. Ce n'est pas un concert banal que nous donne M. Huet; c'est de l'archéologie musicale qu'il nous fait goûter, la plus aimable et la plus gracieuse des archéo- logies. On a surtout remarqué deux airs exécutés par lui sur une ciole d'amour, un instrument plusieurs fois séculaire, et qui sem- blait transporter l'auditoire à la cour de Thibault de Champagne. On a applaudi les ell'ets pleins de douceur et de charme produits par un double jeu de cordes résonnant sympathiquemeat.

Il faudrait citer tous les morceaux exécutés par les artistes, la Marche gothique, lesairsd'Arcadell, musicien célèbre du \\\' siècle, la. Sarabande espagnole^ de la même époque, et surtout la Rêverie^ pour violon et piano, jouée par M"^* Thérèse et Cécile Huet, dont la grâce juvénile a ravi l'auditoire.

Liste des Laluéats I Concours. Histoire et Am.uËoLooiL

§ 1''.

Notice archéologique et artistique sur réglise de Dormans. Rappel de médaille d'argent à M, l'abbé Jacquesson ^Eugone- Raphaël), curé de Courdemanges.

§ 2. Monographie de la ville ie Vertus. Mention honorable, M. l'abbé Thibault, chanoine honoraire, curé-doyen de Vertus.

4' Concours. Poésie Mention honorable, M. Paul Ouagne, homme de lettres à Bernet (Nièvre).

b

66 CHRONIQCE

'■>• Concours. AcnicLLTLKE

Médailles olierleile, ou nom du Gouvernemeut de la République,

par M. le Minisire de l'Agriculture :

Ensemble de cultures. Médaille d'or, M. Person-Debar, cullivaleur à Châlons.

S 3. Elude sur les baux a ferme. .Médaille de bronze, M. Eugène Le Brun, publicisle à Lisieux iCalvados).

Serviteurs ruraux.

iMédaille d'argeul, M. Héquel (Adolphe), berger à Virginy ; 29 anà de services.

Médaille de bronze, M. Ernest Maugin, chef de^cullure à la ferme de la Folie, près Châlons, 13 ans de services.

"' Concours. Créations de champs o'EXPiimENct? Médaille d'argent, M. E. Deliège, instituteur public à Bélheni- ville.

8' Courou)S. Entretien des lhkmin? ruraux.

Diplômes d'honaeur : Commune de Fagnicres (arrondissement de Chàlon?). M. Farochon, maire.

(40 chemins reconnus; longueur : 8,772 mètres.) Commune de Le Brcuil (arrondissement d'Epernay). —M. Des- touches, maire.

(11 chemins reconnus; longueur: 12,839 mètres.) Commune de liosnay (arrondissement de Reims). M Dugras. maire.

(o3 chemins reconnus; longueur : 21, 45(3 mètres.)

Commune de Braux-Sainl-Remij (arrondissement de Sainle-

Menehould). M. Prin, maire. (10 chemins reconnus; longueur: 12,949 mètres.) Commune de Pargny-sur-Saulx (arrondissement de Vitry).

M. Leroy, maire. (10 chemins reconnus; longueur : 23,216 mètres).

11' Concours. Objets diveh?

Médaille d"or, M™" Evangélique d"Orr, à Caen ^Calvados), pour son œuvre : Solidaritc.

Médaille de vermeil, M. Henri Matot, imprimeur-éditeur à Reims : Ensemble dimpressions et de publications locales.

Médaille de bronze, M. A. Tiiot, à Eloges: Etude sur la conser- vation des bois.

CMRONIQUK 67

Menlion houorable, M. Paul Bruiiel, dessinateiu- à Vilry : Notice i-ur la ferronnerie d'art à Vilry.

i2' Concours, Prix Sa.vev

Fondé en faveur d'une (ille de cullivaleur qui s'est distinguée par sa bonne conduite, par iou intelligence et son goût dans les travaux de l'exploi- tation agricole : M"' De^anlis (Marie-C.atherine-Lucie), à la leiine du Soiion, près

Bignicoiirl-.sui -Saulx.

ACTtS' iJi; lil.VuUEMK.M l'ris créé eu 1893. Médaille d'arij;ent oll'erte par M, Rivière, président, Mlle GiiyoL (Zulina-Octavie), institutrice à Fromenlieres.

(Journal de la Marne.)

Société u'histoire et u'auchéologik de l'arrondissement de Provins [Séance du jeudi 14 décembre 181)3). Présidence de M. Berquier, vice-président.

Sont déposés sur le bureau :

-Par M. l'abbé Lapierre, curé-doyen de Donneniarie, un sile.v tnoustérien provenant de la sablière des Rocliotles (Lizines); une bachelte polie trouvée à Paroy par M. Céleste Vilain, ancien maire;

Par M. Maurice Leconite, un jeton du xv siècle, patiné, repré- sentant un homme sauvage, un écu à trois Heurs de lys, un champ semé de lys avec légende au revers : Dominas suo ridel;

Par M. l'abbé Seigle, plusieurs haches polies trouvées à Maison- Rouge et un pistolet espagnol provenant du Plessis-aux-Tour- nelles;

Par .M. l'abbé Bonno, une pièce en argent d'Henri VIII conser- vant toujours son titre de roi d'Angleterre et de France, trouvée à Cucharmoy; une autre pièce en argent de Louis XIII trouvée à Vieux-Champagne par M. Dauplain; un concasseur en grès, un polissoir portatif et plusieurs silex trouvés par M. Champenois » la ferme du Chanoy.

Par M. Buisson, une magniliquc clef en bron/e patiné du iv siècle trouvée à Preuilly.

M. Maurice Lecomte continue son intéressante élude sur les noms de lieux habités de l'arrondissement de Provins. Par la phi- lologie et riiistoire, il donne l'explication des noms de Louan, Cou- tençon, Rampillon, Chenoise, Lizines, Provins, Savins, Luiselaines et Vulaines; ces noms dérivent de noms d'individus que l'on a employés adjectivement (les 6 derniers) pour constituer des noms de lieux, ou bien auxquels on a ajouté les sulfixes anus, o, onis, dans le même but. M. Maurice Lecomte réfute ensuite les opinions émises jusqu'à ce jour pour expliquer ces noms^. opinions qui trai- tent cavalièrement les données de l'histoire et surtout celles de la

68 CHRONIQUE

philologie, pour doiiner libre cours à la fantaisie el à Fimagina- tioii.

Ces noms sont réunis sous la rubrique « noms de lieux d'origine romaine », parce qu'il n'y entre aucun élément gaulois ni germa- nique.

A 3 heures, la Société quitte l'Hôtel de Ville pour se rendre au Musée-Bibliothèque de la Villa Garnier.

II faudrait des journées entières pour étudier d'une manière fructueuse les trésors d'histoire et d'archéologie que renferme le Musée de Provins, et nous ne pouvons disposer que de quelques minutes. Toutefois, grâce à notre savant et aimable cicérone, M. Bourquelot, nous passons en revue, à vol d'oiseau, la princi- pale salle du Musée qui contient l'histoire du monde depuis son origine jusqu'à ce jour : instruments de l'homme préhistorique, bronzes et poteries gallo-romains, fibules mérovingiennes, mon- naies gauloises, monnaies de la République romaine, des Empe- reurs, du moyen-âge, etc., manuscrits nombreux et bien con- servés.

Tous ces trésors recueillis dans la localité nous prouvent une fois de plus qu'une Société d'Archéologie et d'Histoire a sa raison d'être dans l'arrondissement de Provins, et que la mine qui a déjà fourni tant de richesses au Musée de la ville peut encore être fouillée fructueusement aujourd'hui et demain.

Société académique de l'Avbk (Séance du 15 décembre 1893).— Présidence de M. Deheurle, président.

M. le Président annonce la mort de M. Saillard (Ferréol), impri- meur, ancien maire de Bar-sur-Seine, membre associé.

Lectures et Communications des Membres M. de la BouUaye rend compte d'un ouvrage de M. l'abbé Etienne Georges, intitulé : Jeanne d'Arc considérée au point de vue franco- champenois. On retrouve dans ce livre les qualités de style de l'auteur de VHisloire d'Urbain IV et de VHistoire de la Cham^ paçjne el de la Bric L'auteur ne se contente pas de traiter de la nationalité de Jeanne d'Arc, il nous donne une histoire complète de l'illustre héroïne. 11 débute par un exposé du triste état de la France, et surtout de la Champagne, à partir du commencement de la guerre de Cent ans. Puis il étudie l'origine de la famille Darc, l'étymologie do son nom, le lieu elle était fixée avant la men- tion de la naissance de Jacques Darc à Cefîonds. Il y a des hypothèses ingénieuses, mais sans données historiques précises. Avec Ceffonds, on entre d'une façon positive dans le domaine de l'histoire et dans la question de l'origine champenoise de Jeanne d'Arc. Ses frères conservèrent dans ce village un petit domaine qui resta longtemps dans leur descendance. La mère de Jeanne d'Arc,

CHRONIQUE 69

Jeanne-Elisabeth Romée de Voulbon, était originaire du Perthois, en Champagne. Jacques Darc possédait, à Domrén)y, un gagnage d'environ vingt hectares et était doyen de la conimunanté. C'est que, le 6 janvier ) il2, naquit sa fille Jeanne, « dans la partie champenoise de Domremy, selon les uns, dans la pariie du Bar- rois mouvant, selon les autres, mais nullement en Lorraine. »

D'après M. Siméon Luce, la partie méridionale formait une sei- gneurie appartenant à la famille de Bourlémont et dépendant du Barrois mouvant. La partie septentrionale, se trouvait la maison de Jacques Darc, faisait partie de la châtellenie de Vaucouleurs, cédée en 1335 par Jean de Joinville au roi Philippe de Valois, en échange de la ville de Méry-sur-Seine.

D'après M. Chapellier, Domremy et (ireux se rattacheraient à la châtellenie de Gondrecourt, c'est à- dire au Barrois mouvant.

Tel est l'état de la question.

M. de la Boullaye insiste surtout sur les intéressants détails qui concernent la marche de Jeanne d'Arc surTroyes par Ervy, Auxon et Sainl-Phal, et sur la reddition de Troyes au roi, qui y fit son entrée le dimanche 10 juillet 1429.

Pour couronner son travail, l'auteur récapitule, dans un dernier chapitre, les principaux arguments relatifs à la patrie provinciale de Jeanne d'Arc, et, d'accord avec M. Siméon Luce, il conclut ainsi: « Jeanne d'Arc est champenoise. Sa réponse à ses juges : Je suis née à Domremy qui ne fait qu'un avec Greux, ne permet guère de discussion, car il n'a jamais été contesté que Greux fût entièrement de la Champagne. » M. l'abbé Etienne Georges fait allusion, en terminant, à la proclamati(»n tant désirée de la sain- teté de Jeanne d'Arc.

M. de la Boullaye a trouvé un document apparaît le renom de sainteté dont jouissait Jeanne d'Arc, dans un manuscrit intitulé Langrcs saincte, martyrologe des saints et et saintes du diocèse de Langres, par J.-B. Charlet, prêtre, prieur d'Ahuy et doyen de Grancey, qui mentionne Jeanne d'Arc, à la date du 30 mai, sur la liste des saints de ce mois.

M. l'abbé Nioré fait remarquer, à cette occasion, qu'il n'en faudrait pas conclure que Jeanne d'.\rc était honorée d'un culte véritable.

iM. l'abbé Nioré rend compte, au nom de la Commission d'His- toire locale, des travaux envoyés pour le Concours. Sur ses conclu- sions, la Société attribue la moitié du prix Delaporte, de la valeur de 300 francs, à M. Manon, instituteur à Bûchères, pour sa Sta- lislique de Marolles-sous-Lignières, et l'autre moitié à M. l'abbé Diette, curé de Roulages, pour sa iVofice historique sur Boulages. Une mention honorable est décernée à M. l'abbé Chauvet, membre associé, curé d'Unienville, pour son Histoire de l'érection d'Eaux- Puiseaux en commune et en paroisse.

70 CHRONIQUE

M. iJel fait connaître ù la Société' un travail manuscrit de M. l'abbé Vacaudard, membre correspondant, sur Le second emplacement de Clairvaux. L'auteur y raconte l'empressement avec lequel tout le monde contribua à l'érection de ce second monastère, en témoignage de la vénération qu'inspirait saint Dernard. Il nous décrit la nouvelle cbapelle, d'une simplicité sévère, sans sculptures ornementales, sans luxe de p<;intures ni de vitraux. Près de l'église était un cloître d'un aspect également austère. On voit encore à Clairvaux l'immense cellier. 11 y avait aussi un verger ricbement planté et un jardin que les moines cul- tivaient, et un moulin qui servait à la nourriture de la commu- nauté. La petite cellule occupée par saint Bernard dans sa dernière maladie fut enclavée dans l'église, dont la dédicace eut lieu pro- Italdement en 1139, ainsi que la prise de posse.'sion des lieux réguliers. L'auteur parle d'un plan de Clairvaux par dom Millet, qu'il serait intéressant de reproduire.

M. le Président signale la publication des Inventaires des prin- cipales églises de Troyes, par M. l'abbé Lalore, terminés par M. l'abbé More, auquel est due la deuxième partie de cet inté- ressant travail. Des remerciements sont votés à M. l'abbé Nioré ainsi qu'à M. Dufour-Bouquot, qui a imprimé avec un très grand soin cette remarquable publication.

Votes et Elections M. Léon (Jeoffroy, propriétaire à Villerel, est nommé' membiT associé; M. Georges Cornât, juge au Tribunal civil de Sens, est nommé membre correspondant.

Séance rèr/lemenlaire du 22 décembre ISOR. Présidence de M. Deheurle, président.

Section d'Agriculture : Président, ^ï. le baron Doé; Vice-Pré-^ sident,yi. Cbadenet; Secrétaire, M. Marcel Dupont.

Section des Sciences: Président, M. Félix Fontaine; Vice-Pri<'- sident, M. d'Antessanty; Secrétaire, M. Hervey.

Section des 4rts : Président, M. Royer ; Vice-Président, y]. Vachette; Secrétaire, M. Albert Babeau.

Section de-^ Lettres; Président, M. Savetio?; Vice-Président^ .M. Nioré: Secrétaire, M. Det.

M. le Trésorier présente les comptes de l'année 1893 et le projet de budget pour 189'i.

M. de la Boullaye passe de droit Président.

M. Félix Fontaine est élu Vice-Président.

Il est procédé au renouvellement du Comité de publication; MM. Det, Dupont, Forest et Pron, membres sortants, sont réélus.

La Société vote des remerciements à la Chambre de commerce, qui veut bien lui donner l'hospitalité en attendant l'achèvement du pavillon Joseph Audiffred.

CHRONIQUE 71

Société historique et archéologique de Chateau-Tuierry (Séance du 9 janvier iSOi). Présidence de M. Vérette.

I. Le secrétaire signale, dans les Mémoires de la Société de Senlis, a le rôle des jlefs cl domaines relevant de la seigneurie de La Ferlé Milon t.

II. M. Poinsier donne lecture d'une analyse bien intéressante du travail de iM. (icffroy, l'un des collaborateurs du Journal des Savants, sur l'Kpigraphie doliaire, travail qui a paru en 1886.

MM. de Ros^i et Héron de Viliefosse avaient publié, l'un en 1880, l'autre en 1884, les éludes de Marini^ conservateur des Archives vaticanes au xvni' siècle, et de M. Descemet sur « les anciennes inscriptions doliaires des Romains et les marques de briques latines ».

Mais qu'est-ce que l'épigraphie doliaire? Il semblerait, d'après l'étymologie stricte du terme, qu'il ne peut être question que des inscriptions tracées sur les « dolia ». grands vaisseaux en terre destinés à contenir le vin, comme nos tonneaux actuels: l'épi- graphie doliaire ne se borne pas à celte seule catégorie; elle embrasse les vases, les amphores et aussi les tuiles, les briques, ainsi que tous autres menus ouvrages céramiques revêtus de « petits textes », pour la distinguer de la grande épigraphie qui s'occupe des textes gravés sur la pierre ou sur le marbre.

L'épigraphie, a dit un auteur bien connu, est la source la plus ordinaire et la plus sûre de l'histoire d'un pays; l'élude de M. Poinsier, d'après les travau.x des érudils que nous venons de citer, le prouve surabondamment. En dehors des textes imprimés sur la terre encore fraîche des vases ou des briques et se rappor- tant à des événements, à des hommes célèbres ou à des monu- ments remarquables, on rencontre des figures d'une extrême variété : représentations mythologiques ou créées par la fantaisie ou le caprice de l'ouvrier potier (figulus).

III. C'est encore le Journal des Savants (année 1884) qui a fourni à M. Moulin le sujet des deux notes qu'il communique à la Société, l'une sur la vie de Nicolas Leblanc, l'inventeur de la soude artificielle, qui, après des efforts inouïs, trouve le procédé le moins coûteux pour la fabrication de la soude, enrichit des industriels, son propre pays, et se tue pour échapper à la misère, à la honte d'une faillite; l'autre, sur les « Carmina medii an'i ». rend compte de cette œuvre éditée à Florence et comprenant, entr'autres poé- sies latines, une espèce de cantate, analogue à celle que les collé- giens chantaient à la fin de l'année scolaire « Valete, sludia. . . » Daprès le compte-rendu de M. Hauréau, cette cantate, attribuée à Hugues Primat qui vivait au xue siècle, est une chanson à boire, avec une piquante réminiscence de l'hymne de saint Ambroise : « Jàm lucis orto sidère... », et comprend six couplets : « Jàm lucis orlo sidère, Statim oportet bibere, etc. »

72 CHKONJQUB

M. (iul)crl, iinlairc i'i Cliailv. est présenlé comme membre cor- respondant.

Il est procédé ensuite au renouvellement du bureau, tous les membres qui le composaient sont réélus.

AcADtMiK un Rrim-;. Elections du 29 tlécemltre 1893. Ont

été élus :

Membres lilulaires: MM. \ . Froussard (Victor), conservateur des Hypothèques, à Reims. 1. Haudecœur (Fabbé), professeur au Petit Séminaire.

Membres honoraires : MM.

1 . lissier, professeur agrégé de physique, à Paris.

2. Broyé (l'abbé), directeur de rinslitution Saint-Remi, à Char-

levillc.

3. Delisln (Lénpold), membre de l'Institut, administrateur de la

Bibliothèque Nationale, à Paris.

4. Senart (le président), k Paris.

Membres correspondants : MM.

1. Espérandieu (le capitaine), à Bastia.

2. De Florival, président du Tribunal de Péronne.

3. Fremy (le comte), à Paris.

i-. X. Kharousine, publiciste, à .Moscou.

M. Péchenart (l'abbé), à Sillery.

N. Simon le commandant), à Fismes.

Le 22 décembre dernier, un jeune prêtre du diocèse de Langres, M. l'abbé Urbain, de Doulevant-le-Château (Haute-.Marne), a passé 1res brillamment les épreuves du doctorat ès-lettres à la Sorbonne .

La thè.^e française présentée par M. l'abbé Urbain était une belle et savante étude sur Nicolas Coeffeteau, l'un des écrivains les plus en vogue au commencement du xviu'" siècle.

Sa thèse latine était une discussion fort curieuse sur le Conciir- S21S divinus, d'après la doctrine des scolastiques.

La Faculté a fait un excellent accueil h ces deux travaux, et après une soutenance qui n'a pas duré moins de six heures, elle a conféré à .M. l'abbé Urbain le g-rade si envié de docteur ès-lettres.

La Société d'études ardennaises u La Bruyère » vient de fonder à Sedan une Revue scientifique, historique, littéraire et artistique,

CHRONIQUE 73

à laquelle nous sommes heureux de souhaiter la bienvenue, car elle pourra contribuer puissamment à développer dans cette réffion le goùl de l'archéologie et de {'histoire.

Rédigée par les soins d'un Comité de publication composé de MM. Charles Houin, André Donnay et Paul Collinet, secrétaire, la Reçue cVArdenne ci. d'Argonnc paraîtra tous les deux mois, en livraisons de 40 pages in-S°, accompagnées d'une ou plusieurs planches hors te.\te. Nous donnons à la Bibliotjraphie le som- maire de son premier fascicule, un curieux catalogue de docu- ments inédits, de gracieuses poésies et de pittoresques descriptions des sites ardennais sont autant de gages manifestes de l'intérêt et de l'utilité de cette publication. A T.-R.

La bénédiction de la nouvelle église de Witry-lès-Reims (Marne), a eu lieu le 22 novembre, au milieu d'une assistance considérable. Les grandes rues du village étaient pavoisées, des sapins y avaient été plantés. La place de la mairie était également ornée de dra- peaux. De même, sur l'ordre des autorités locales, les couleurs françaises avaient été arborées au clocher de l'église.

Son Em. le Cardinal Langénieux accompagné de Mf Péche- nard, de M-'' Cauly, vicaires généraux, de iM. Collignon, archi- prêtre de Notre-Dame, de MM. Périn et Bussenot, chanoines, et d'un grand nombre de prêtres présidait la cérémonie.

Après les prières liturgiques au dehors et au-dedans de l'église, celle-ci a été ouverte à la foule, qui attendait devant le portique. Dans l'une des chapelles latérales, avait pris place l'excellente fan- fare de Witry et quelques artistes rémois.

M. l'abbé Bonnaire, curé, a souhaité la bienvenue au Cardinal.

M*^' l'Archevêque, répondant à son discours, reporte sur M. l'abbé Bonnaire le mérite de la tâche accomplie. 11 se félicite de l'heu- reuse inspiration qu'il a eue le jour il l'a envoyé à Witry. Les prédécesseurs de M. l'abbé Bonnaire avaient su préparer, grâce au concours de généreux bienfaiteurs, l'exécution d'une œuvre qu'a su mener à bonne lin, au milieu de bien des difficultés, le zélé pasteur. Son Eminence annonce, en terminant, qu'elle don- nera tout à l'heure, à la population tout entière, la bénédiction apostolique, dont les pouvoirs lui ont été conférés par F.,éon XIH pour une année, lors de son voyage en Orient.

Ms'' Cauly célèbre la Messe; puis, M. Gillet, aichiprêtre de Char- leville, monte en chaire et, dans une éloquente et pathétique allo- cution, développe cette double idée : l'église est la maison de Dieu, l'église est la maison du peuple,

A l'issue de la Messe, M^r le Cardinal est monté en chaire pour donner la bénédiction qu'il avait annoncée. 11 a rappelé aupara- vant quelques-uns des chers souvenirs qu'il a rapportés d'Orient.

74 CHRONIQUE

Pour lenniner la c<'romonie, un De Profundh a été dit à Tinlen- lion des bienfaiteurs décédés.

Le Temps du 24 décemlirc public une dépêche datée de Mar- seille, du 23 décembre courant, annonçant des troubles à Mada- gascar; dans le texte de ce télégramme, nous lisons: « Le poste de la mission française Rebut et Sarraute, de Mahela, a été saccagé avec la complicité des liovas. »

MM. Rebut, qui sont nos compatriotes, et dont la famille a été propriétaire de l'usine à gaz de Vitry-le-Krançois pendant plus de trente années, ont laissé ici les meilleurs souvenirs.

M. Georges Rebut, avec le concours de M. Sarraute, ont fondé, tout au début de la conquête de Tile, une maison d'exportation à Tamatave; depuis, ils ont créé des postes dans plusieurs villages malgaches, et c'est l'un de ces postes qui vient d'être détruit.

Nous avons eu, à diverses reprises, occasion de mentionner les fort intéressantes relations de voyages de M. Hugues Kraflft, un lettré et un artiste qui emploie noblement ses loisirs et sa for- tune. Elles lui ont valu la croix de la Légion d'honneur.

Aujourd'hui, la presse parisienne nous apprend que M. Kratt't vient de faire au Musée du Louvre, section orientale, un don fort apprécié. La Chronique des Arts du 0 courant dit à ce sujet :

^L KraITt vient d'olfrir très généreusement au Musée : 1" Une paire de paravents japonais à huit feuilles, sur fond d'or. Ces précieux paravents, rapportes, il y a quelques années, par M. Wakaï, sont des monuments du plus haut intérêt pour l'histoire des mœurs et de l'art au Japon. Ils représentent des réjouissances publiques qui eurent lieu à Nagoj-a, à la fin du xvi» siècle; commandées par le dernier des Ashikaga pour être offerts à Ota Nobounaga, le célèbre ministre, protecteur des Jésuites, le Colbcrt du Japon, qui joua un si grand rôle dans l'his- toire politique du pays à cette époque, ils passèrent ensuite en la possession du fameux Taiko-Sama, le conquérant de la Corée, qui les offrit à son tour à l'un de ses lieutenants, le général Massouda-Saémon, dans la famille duquel ils restèrent jusqu'à la Révolution de 1808. Ils sont l'œuvre d'un

des plus habiles maîtres de l'Ecole impériale de Tosa, Mitsousoumi. Les peintures qui les décorent, exécutées avec la plus extrême finesse et une perfection achevée, renferment plusieurs milliers de figures et rappellent les miniatures de nos manuscrits. La monture porte les armoiries associées de

la famille impériale et des Tokougava : Un admirable fjukousa brodé représentant une ronde d'enfanls jouant

avec une coupe à saké (travail de Kioto, du xvm» siècle). Un brùle-parfums de temple, en bronze (xvi' siècle), représentant

l'Olympe bouddhique sur un rocher affectant la forme d'une flamme.

« Les jeux de la lumière dit le Journal des Débats, qui

CHRONIQUE 75

signale ce don princier apportent dans les soies des nuances dégradées qui font de la Ronde des buveurs de saké un des plus beaux tableaux que l'on puisse voir. »

Ces objets d'art sont installés depuis peu dans la Salle Henri 11, spécialement réinstallée pour les recevoir la salle japonaise du Musée du Louvre étant devenue trop petite.

Nous nous permettrons, en renouvelant nos compliments à M. Hugues KraiFt, d'émettre un vœu : celui de le voir, quand l'occasion lui paraîtra propice, songer au Musée de Reims qui, il ne l'ignore pas, s'est enricbi, dans ces dernières années, d'œuvres artistiques de valeur, grâce à la bienveillante générosité de quel- ques-uns de nos compatriolcs.

(Courrier de la Champagnr.)

Le Petit Parisien donne d'intéressants détails sur la îlalue do Jeanne d'Arc destinée à Reims ;

La Statce de Jeanne d'Arc. « M. Paul Dubois, directeur de l'Ecole des Beaux-Arts, vient de remettre au fondeur, ^L Bingen, le modèle en cire de la Jeanne d'Arc équestre qui sera érigée à Reims.

Le mnilre sculpteur a fait subir d'importantes modifications au premier modèle en plAtie de cette belle stalue qui fut exposé, il y a deux ans, ali Salon des Champs-Elysées. 11 est regrettable que, pressé de répondre aux exigences rémoises, il n'ait pas pu exposer à nouveau l'oeuvre ainsi transformée et agrandie.

Le modelé a pris dans la cire noire un ton superbe; il accentue l'expression d'extase donnée par l'artiste à la figure de l'héroïne. Tous les détails du costume et du harnachement sont extrême- ment poussés. Le cheval est vivant; il marche; les veines et les muscles saillent sous l'épiderme. Tout est d'un fini extraordinaire.

La statue, emprisonnée dans une forte armature de fer, se trouve en ce moment dans l'atelier de M. Bingen, qui a entrepris avec un véritable enthousiasme l'énorme travail qui lui échoit.

11 lui faudra près d'une année pour mener à bien la confection du moule dans lequel, d'un seul coup, par une série de canaux d'adduction, le bronze en fusion viendra prendre la place de la cire dont il reproduira exactement les plus menues caresses d'ébauclioir.

On n"a jamais rien fait de pareil, nous a dit M. Bingen, en nous montrant celte belle Jeanne d'Arc, à laquelle M, Paul Dubois a consacré dix ans de passionné labeur. »

76 CHRONIQUE

M. Henri Arsac, ivàacicur àa Counner du Nord-Est, kEpernay, a publié dans ce journal, à l'occasion de Tinauguralion du monu- ment de Jeanne d"Arc à Vaucouleurs, deux intéressants articles dans lesquels il a réuni tous les arguments qui militent en faveur de la nationalité franraise de Jeanne d'Arc. Elle était barrisienne par sa mère, champenoise par son père. On peut se rattacher à l'autorité d'un savant éminent et fort bon juge en la matière, M. Siméon Luce, mort prématurément, et d'après lequel Jeanne devait suivre la condition paternelle. Cette conclusion assurerait à notre province de Champagne une illustration de plus, et non des moindres.

Bénédiction de la Chapelle dc nouvel HopiTAf. d'Epernay. Le 18 décembre ont eu lieu, à Epernay, de belles fêtes à l'occa- sion de la bénédiction de la Chapelle du nouvel Hôpital, à la libéralité de M. Auban.

Vers dix heures et demie, les invités commencèrent à pénétrer dans les cours. La chapelle était interdite, personne ne devant y entrer avant la bénédiction intérieure.

Près de la grille d'entrée était élevé un kiosque coquet avait pris place l'Harmonie de la maison Moët et Chandon. La belle Compagnie de pompiers de la même maison formait une double haie.

Bientôt, le clergé sortait du pavillon de l'administration et se dirigeait vers la Chapelle. Ms' l'Evêque de Châlons marchait en tête, puis venait S. Em. le Cardinal-Archevêque de Tours, enfin S. Em. le Cardinal-Archevêque de Reims, officiant. Les vénérés Prélats étaient accompagnés de chanoines de leurs Chapitres et de prêtres d'Epernay et des environs. L'honorable M. Auban et M™' Auban suivaient, précédant leur nombreuse famille. L'Har- monie exécute une superbe marche.

M?r Langénieux dit les prières liturgiques et bénit extérieure- ment la chapelle, dans laquelle il pénètre ensuite, suivi du clergé et de la famille de M. Auban.

La bénédiction intérienre terminée, les invités, qui se trouvaient groupés devant le monument, sont autorisés à y pénétrer. Le Conseil municipal et les hauts fonctionnaires marchent en têle. Viennent ensuite un certain nombre de vieillards de l'Hospice, puis le gros des invités, composé de l'élite de la société sparna- cienne et des environs.

La vaste et jolie Chapelle contient oOO places environ. C'est beaucoup et c'est peu pour la circonstance.

Pendant l'entrée, les orgues exécutent, avec quelques musiciens de l'Harmonie, la Marche de la Messe de Jeanne d'Arc, de Gounod, L'eft'et est excellent, bien que Gounod ait écrit cette page saisis- sante pour un grand vaisseau, se puissent répercuter les sons cuivrés des trompettes.

CHRONIQUE 77

Les Prélats prennent place dans le chœur, sous d'élégants dais de velours rouge frangé d'or. La messe commence.

Après une savante improvisation de M. Dallier, le très distingué organiste de Saint-Eustacbe, la a chapelle > improvisée pour la circonstance exécute le Gloria de la messe de Rossini.

M""' Auguez, MM. Vergnet et Auguez, M"' Héglon, M. Boussagol, harpiste, et M. Loeb, violoncelliste, ont pleinement justifié leur renommée.

Un pareil ensemble artistique, complété par d'excellents cho- ristes des concerts du Conservatoire, assurait aux dilFérenls numé- ros du programme une interprétation hors ligne. Le Gioria était le morceau capital de ce programme. Il a été niagniPKjuement interprété. Une simple distraction et nous eussions applaudi. Il en a été de même des autres parties de la messe de Rossini. Nous signalerons cependant tout particulièrement le Sanclus et VAgnus.

Après le Gloria^ Me'' Sourrieu, évèque deChàlons, est monté en chaire. Sa Grandeur a éloquemment paraphrasé la parabole du bon Samaritain.

Après la Messe, Son Em. le Cardinal Langénieux a prononcé quelques paroles de remerciement à l'adresse des si généreux fondateurs de l'Hôpital. Puis, par une délicate attention, Son Eminence a voulu associer la mémoire des morts aux libéralités des vivants, et a demandé un De Profundis pour les défunts.

Après cette prière toujours si touchante, les Prélats ont donné leur bénédiction à l'assistance.

Et c'est aux accents d'une fort belle marche triomphale, com- posée et exécutée par M. Dallier^. que la foule s'est écoulée.

L'Harmonie de la maison Moët et Chandon continuait, au dehors, à égrener les perles de son répertoire. Le canon tonnait au loin.

L'Hôpital Auban-Moël, terminé et meublé, coûtera plus de trois millions.

Le 21 décembre, a eu lieu à Eperua\, sous la présidence du docteur Napias, inspecteur général de l'Assistance publique, délégué du ministre de l'intérieur, l'inauguration du nouvel Hôpital fondé par M. et M™' Auban-Moét,

A onze heures du matin, le docteur Napias, délégué gouverne- mental, accompagné des autorités départementales, municipales, et des représentants de la Marne, a visité officiellement tous les pavillons du nouvel établissement.

Pendant l'inauguration, la musique municipale a donné une sérénade. Un banquet a été olfert à midi, aux autorités, par la ville d'Epernay, dans une salle de l'Hôpital,

Le soir, il y a eu représentation théâtrale gratuite. Les établis-

78 CHRONIQUE

seiueiits publics el les uiaisuiis particulières étaieiiL pavoisées et illuminés. M. Flcuricourl, maire, a reçu la croix de chevalier de la Légion d'honneur.

El'lTAI'IlK I)K <- SAMuniX », CAVALIER UOMAIN, ORlGlNAIRt; DE LA

CITÉ DE!^ « Remi ». En 1839> on a découvert à Chalon-sur- Saône, au lieu dit la Citadelle, sur le bord de la voie antique qui se dirigeait vers Autun, une lableltc funéraire garnie d'oreillettes en forme de queue d'aronde, incomplète en bas à droite, el por- tant l'inscription suivante :

SAMURIX LIAMAKI'I UEMVS. En. ALA LONdlM ANA. AN. XXXI. STll'E.Nrf. XII

II. S. C ET SI.NGv/arJi' C05?...,

l'Ra^er

Samorix Liamari (iliiiSi liemus, equcs ala Longiniaiiaj anno- rum XXXl^ sUpendioriun XII, hic silus est.

El singularis coiisularis. . . Iralev.

Samorix^ tils de Liamarus, Rémois, cavalier dans l'ala Longi- niana, mort à Irente-et-un ans, après douze ans de service, repose ici. Et. .. son frère singularis du consulaire.

A la différence des légions dans lesquelles n'étaient admis que des citoyens romains, les corps auxiliaires étaient composés de non citoyens; telle était la condition du Rémois Samorix qui n'a pas de gentilice ets'appelle d'un nom unique, différent de celui de son père.

Le cavalier Samorix servait dans VaUi Longiniana; il y était entré à 19 ans et comptait, lorsqu'il est mort âgé de 31 ans, 12 ans de service. Uala Longiniana était probablement attachée à l'une des armées de la Germanie Supérieure.

{Revue cpigraphique du Midi de la France, fasc. 72, 978.)

Les restilutions proposées par M. Allmer pour les deux der- nières lignes sont incertaines. 11 nous parait plus vraisemblable de supposer qu'il y avait à la lin du texte les noms des deux frères de Samorix qui avaient fait graver cette épitaphe. Le pre- mier des noms manque en entier; il était inscrit à la tin de la i' ligne. Nous ne possédons du second que les deux premières syllabes Singu... Ces deux noms étaient probablement gaulois comme celui de Samorix. Dans celle hypothèse, il faudrait lire ;

el Singu Ira[iri oplimo posuerunl].

T. DE C.

Mariages. Le mariage civil de M"^ Marie-Thérèse de Luynes avec le duc d'Uzès, a été célébré, le 10 janvier, à la mairie de la

CHRONIQUE 79

rue de Grenelle. Cette cérémonie a eu lieu dans rinliniite la plus >lricle, en raison du deuil qui, l'an dernier, frappa la laniillc d'Uzès, et dont aucun de ses membres encore n'est consolé. Seuls, les fiancés, leurs proches parents et leurs témoins se sont rendus à la mairie.

A trois heures, il y a en réception chc/; M'" la duchesse de Che- vreuse. grand'mère de la fiancée, et l'on peut dire que tout l'ar- moria! de France a défilé dans les salons du boulevard Saint-(jer- main; la plus haute aristocratie a voulu complimenter les jeunes époux et apporter en même temps un témoignage de sa sympathie à la famille si éprouvée.

La cérémonie religieuse a eu lieu le lendemain, à midi, en la chapelle du Sacré-Ccur du boulevard des Invalides.

La nef et le mailre-autel avaient été ornés luxueusement de Heurs et de plantes rares.

Les parents des deux familles avaient été seuls invites à assister à la cérémonie.

.M. Emmanuel d'Albert de Luynes a conduit à l'autel sa sceur, la fiancée, dont la beauté et l'élégance ont [iroduiL luic vive impres- sion.

M. le duc d'l'/.és donnait le bras à sa niere, M ' la ducliesse d'I'zès, née Hochecliouart-Murlemarl.

On remarquait dans le cortège, le duc et la duchesse de Luynes, le comte et la comtesse d'Hunolstein, la duchesse de Chevreuse, le duc de Narbonne, la princesse (ialitzine, le marquis de Galard, le marquis de La Roche- Aymon, la duchesse d'Ayen, le duc de Mortemarl, M"^' de Crussol, le comte de Contades, etc.

S. Em. le cardinal Richard, archevêque de Paris, assisté de son secrétaire, a donné la bénédiclion nuptiale, avant laquelle il a pro- noncé une allocution des plus élevées sur le mariage chrétien. En évoquant le passé des deux familles, Son Eminence a parlé aux mariés du devoir qui leur est tracé, de continuer les traditions de leurs ancêtres, toujours au premier rang, pour assurer le triomphe des plus nobles causes.

M. l'abbé Hartmann, ancien précepteur de .M. le duc d'Iles, a dit la messe, qui a été accompagnée de très beaux chants.

Après la cérémonie, les assistants se sont rendus chez .M"'° la duchesse de Chevreuse, qui avait ouvert ses salons du boulevard Saint-Germain, pour le lunch nuptial.

M. le duc et M"''= la duchesse d'Uzès sont partis le soir même pour aller passer une quinzaine de jours au château de Roursault. Ils se rendront ensuite aux îles Baléares, avec M'""^ la duchesse d'Uzès, leur mère et belle-mère, pour y attendre le retour du printemps.

SO CHRONlQtiE

Le 18 décembre a eu lieu, à onze heures du malin, dans l'église de Vertus (Marne), le mariage do M. le colonel Dominé, officier de la Légion d'honneur, avec M""' veuve Oudiné, née Huberl-Dehau.

La bénédiction nuptiale a été donnée aux époux par un prêtre ami du colonel Dominé, professeur au collège Lhomond.

L'église paroissiale était ornée de faisceaux de drapeaux tri- colores.

Le héros de Tuyen-Quan, qui habite Vitry-le-François, avait pour témoins son oncle M. Adnet, capitaine en retraite, che- valier de la Légion d'honneur, à Vitry, et un de ses amis.

Les témoins de la mariée étaient son cousin germain, M. Aubert, juge de paix à Chàlons, président du Conseil d'arrondissement, ancien notaire à Vertus, et son frère, M. Charles Hubert, lieute- nant au 69' de ligne à Nancy.

L'Imprimeur» Ci éraal,

Léon FRÉMONT.

La Prévôté Royale*

DE

COIFFY-LE-CHATEL

(Aujourd'hui Coifly-le-Haut)

».i ■^ftWW^*'*-^

CHAPITRE DEUXIÈiME Administration et justice.

Des prévôtés en général.

Il ressort de l'ensemble de nos documents, ce qui est, d'ail- leurs, un fait d'une application générale, que, sous le nom de prévôté, l'on n'entendait pas seulement l'exercice du pouvoir judiciaire, mais que cette dénomination s'appliquait au domaine tout entier. « Ce qui formoit, a dit Brussel, le a revenu de la prévôté d'une seigneurie, étoit ses métairies, « fours, moulins, pressoirs, prez, rivières, étangs, marchez, « halles, étaux, sceaux, greffes et tabellionnages. Et comme « dans la suite, toutes ces choses, à l'exception toutefois des « vignes et des bois, avoient été données à ferme aux prévôts « de la seigneurie, cela fit qu'elles prirent, toutes ensemble, « avec l'exercice de la justice et les émolumens qui en prove- « noient, le nom de prévôté [prœpositura] \ »

Plus tard, tout en conservant le nom de prévôté au domaine, on en retira la ferme et même l'administration aux prévôts, pour ne leur laisser que les attributions judiciaires.

Celte modification essentielle nous amène à diviser ce cha- pitre en deux parties distinctes, c'est-à-dire à traiter séparé- ment l'administration domaniale proprement dite et l'admi- nistration de la justice.

* Voir page 4Jj, tome VI de la Revue de Champagne. 1. Brussel. Nouvel examen de l'usage général des fiefs, pendant les xi% xn*, xm' et xiv siècles. (Paris, 1750, 2 vol. iu-4<'.) Tome !«', p. 432.

6

82 LA PRÉVÔTÉ nOYALE

Revenus du doniahic de la prt*vût<^ de C.oifTy.

Les revenus de la terre de CoifTy et de ses annexes décou- laient de trois sources distinctes : l'' le produit du domaine particulier des seigneurs ; celui des contributions dues par les habilanls ; 3" celui des amendes, exploits de justice, offices de la prévôté et des taxes qui frappaient, dans certains cas, la possession et la transmission des fiefs relevant du château.

Domaine particulier. A l'époque les sires de Ghoi- seul et de Xogent possèdent Goiffy, le domaine particulier ne paraît composé que de forêts sur l'exploitation desquelles les renseignements précis font défaut. La chasse et son produit semblent être alors la principale préoccupation des seigneurs. Le partage du gibier et sa confiscation, au cas il serait pris au piège, ce qui montre que le braconnage n'est pas d'invention moderne, sont, comme on l'a vu précédem- ment, les seules réserves apportées par Raynier de Choiseul à la donation de Coifîy au prieuré de Varennes. (Vers 1 101.)

Mais, deux siècles et demi plus tard, en 1 250, lorsque l'abbé de Molèmes associe le comte de Champagne à la propriété des domaines de CoifTy et de Vicq, on tire meilleur parti des forêts et Tévenlualité des coupes y est prévue : « de dictis vero « nemoribus, quoliescumque facla fuerit vendilio, pretium « vendilionis, que de commuoi assensu débet fieri, inter ipsos « et nos, per médium, dividetur'. »

Sous radminislration royale qui succède à celle de nos comtes, l'entretien, la surveillance et l'exploitation des bois rentrent dans les attributions de la maîtrise des eaux et forêts du royaume. Les habitants des cinq villages de la prévôté de Coiff\- sont usagers d'une certaine partie des forêts. Le reste est exploité au profit du roi et du prieur de Varennes. Si les indications relatives à ce produit sont rares, toutes présentent de l'intérêt sous le rapport de la détermination des prix.

Ainsi, en 1341, la coupe de cent arpents dans les bois de Bourbonne est évaluée à 60 sous tournois l'arpent ; le merrain des bois de Damrémont vaut dix-huit deniers le millier ; la cire des mouches à miel, appelées mouchettes, recueilUe dans les forêts de Bourbonne et de CoiÉFy, trois sous la livre, ou dix- huit deniers la demi-livre'.

1 . Soir Ja pièce juslitîcalivc n" II.

2. L].. VI.

DE COIFFY-Lli-CHATEL S3

Avec le temps el rabondance relative du numéraire, li valeur des bois augmente. En 1086, la coupe du bois du Ko}-, sis en la prévôté de CoilTy, produit en moyenne trois cents livres par au, pour chacun des deux seigneurs'. Eu \l\'.j, la coupe de 23 arpents dans la forêt de la t>harmoise, au terri- toire de Vicq. est évaluée à vingt-six francs l'arpent-.

Les revenus d'une tuilerie sont égaleraeut communs entre les deux seigneurs. A la fiu du xiu" siècle, dix mille tuiles sont estimées quatre livres ■>, soit huit sous le mille, et, en 1341, seize sous le mille '.

En dehors des propriétés communes, le prieur de Varennes possède eu propre, comme il a déjà été indi((ué, dans le domaine de la prévôté, des fermes ou granges, des moulins, fours et pressoirs banaux dont les aliénations successives, à la fin du xYi° siècle, réduisent à peu de chose les immeubles par- ticuliers du prieur.

Quant au domaine privé du roi, il ne consiste que dans la fortere.«!se de CoifTy, dont les terrain'^, restés incultes ° après sa démolition au xvir' siècle, sont cédés, en 178t), à diti'érenls particuliers, sous la charge d'un ceus annuel et perpétuel de trente livres*^.

1. Etat du revenu du prieuré de Vareoue , eu 16S6. Arch. de la Haute- Marne, liasse G 117.

"2. Arch. nat. Titres de la maison d'Orléans, carton ti' 939.

^. Voir la pièce juslillcaliye IV.

4 . Id , u" \l.

îî. « Il y a encore la mole de l'ancien château de Coiffy et la citadelle el autres ouvrages avancés, le tout détruit, il y a environ cent cinquante ans, qui peut contenir 10 ou 12 arpents, el e.-t toujours resté inculte depuis ce tems, parce que les terrains ne sont propres à aucune culture quelle qu'elle puisse être, attendu que le fond n'est que pierraille et déblais de ces anciens bâlimens. Il croît cependant quelque peu d'herbes sur la superficie, et les habitants depuis ce tems en ont lait un pâturage qui convient mieux aux moutons qu'à tout autre bétail. » [Extrait de la déclaration des terres in- cultes, « CoilTy-le-Chàteau, fourni le 17 mai 17C9, par le syndic, au sub- délégué de l'intendant, à Bourbonne. Arch. de la Haute-Marne, C. 16.)

6. 1785. « Vu au Conseil d'Etat du roi l'arrest rendu le 27 septembre 1781, par lequel Sa Majesté auroit ordonné que dans un délai de trois mois, du jour de la publication d'icelui arrest, les propriétaires des maisons et jar- dins limitrophes du château de Coitfy, seroient tenus de remettre au sieur intendant et commissaire départi en la province de Champagne leur sou- mission de payer au domaine de Sa Majesté un cens de trente livres, empor- tant droits seigneuriaux aux mutations, pour la concession de la plate forme dudit château de Coiffy.... La soumission faite par les dits propriétaires, par acte du 23 janvier 1782 Le procès-verbal d'arpentage dudit ter-

8-i LA PUÉVÔTÉ ROYALE

2'^ eu 3", C ont rib niions, amendes, exploits, etc. Les laxes el les redevances, dues par les habilauls des villages de la pré- vôté, formaient la partie la plus importante du revenu doma- nial. Les unes se payaient en argent, les autres en denrées.

A la première catégorie appartenaient, suivant les indica- tions de nos litres : la taille arbitraire, convertie, dès le xiii'^ siècle, en taille abonnée ou abonnement; le don volontaire ou gratuit, consenti plus ou moins librement par ceux qui le ver- saient ; l'exaction, contribution forcée, imposée par le sei- gneur, et dans laquelle rentraient les amendes de justice ; l'aide, à laquelle, suivant la loi féodale, le seigneur avait droit : l** lorsqu'il armait son fils chevalier, 2" lorsqu'il mariait sa fille, quand, prisonnier de guerre, il avait à payer une ran- çon, 4'' enfin, lorsqu'il partait pour la croisade. Celte contri- bution étail connue sous le nom d'aide aux quatre cas. On eu trouve, en 1266, un exemple pour Goiffy, à l'occasion du départ du comte de Champagne pour la Terre -Sainte ' ; la taxe sur les Juifs, dont une charte de 1273 nous montre également LappUcation pour une perception de vingt-cinq livres ^ ; les

raiu dressé par le sieur Raguet, le 30 janvier 1783, et jours suivants, et clos le 24 janvier 1785, du quel il reconnoit que ce qui est occupé au pourtour de la citadelle contient 1,783 toises, et ce qui est jacent 2,394 toises, ce qui est occupé de la surface et pourtour du château contient 2,481 toises, ce qui fait un total de 6, CCS toises, abandonné auxdits propriétaires, à charge en outre de laisser libre le chemin de la voye Julienne et celui d'entre le châ- teau et la citadelle dans toute sa longueur et sa largeur de vingt pieds.... > (Arch. nat. Domaines. Carton Q< 696-097.)

1 . « Nous Thibaut, par la grâce de Dieu, rois de Navarre, de Cham- paigne et de Brie, cuiens palazins, faisons savoir a touz que com cil de Cuifi nous aient fait aide pour notre voie d'outremer, et Balles prieus de Varennes s'eust la moitié se il li pleust, pour raison de la compeinnie que nous avons a ceuls de Molesmes, et il sa moitié nous ait quittée, nous pour quittance que il nous avoit faite ne voulons pas qu'il soit tenu a coustume ne a dere- ritance a lui ne a l'église de Molesme de rien eu tenir qui est a venir. ^Et en tesmoin de ceste chose, nous avons fait ces présentes lectres seeler de nostre seel. Ce fut fait par nous a Chaumont, le mardi prochain devant fesle ;saint Pierre, du trant aoust, en l'an de grâce Notre Seigneur, mil deux cent soixante six. La note hi vien de Chasteau Thierry. » (_Arch. de la Côle-d'Or. Abbaye de Molesmes, prieuré de Varennes, liasse 248, parchemin.)

2. Je Girars li Navarroiz, prevoz de Coiffei, faiz savoir a tos que cum messires li roi Thiebauz de Navarre, cuens palazin de Brie et de Cham- peigne a son tens ausl fait lever et recevoir de juif de Coiffei vint et cinc livres de parisis, de quex messires Baules abbei de Faverné et priours de Varennes me requist plusors fois sa partie, c'est a savoir la moitié des dites XXV livres, et je ne li rendi ne fis rendre; en la fin en fu a Chaumont par davant monsignor Berat de Martuel comandement mousi;<nor le roi davant

DE COIFFV-LE-CHATEL 8o

bourgeoisies, sorte de taille fixe et minime, payée par les habi- tants des villages francs de Coiffy-le-Ghâtel et de Moucharvot, à raison d'un sou ou douze deniers par ménage à la charge des premiers, et de six deniers à celle des seconds ; le rouage, impôt indirect perçu à Vicq et k Damrémont sur les boissons vendues dans ces locaHtés ; le cornage, qui atteignait, à Coiffy-la-ViUe, Vicq et Damrémont, les bêtes de trait et les animaux de moyenne taille, tels que la chèvre, le mouton et le porc ; le hallage, qui se le irait sur les marchandises et les produits mis eu vente sous la halle de Goiffy-le-Chàtel, les jours de foire et de marché ' ; le pânage, la paisson et la glan- dée, perçus pour le droit de pâture des porcs dans les bois sei- gneuriaux ; Tamoisonnement, qui se payait en argent, au XIII® siècle, pour les terres cédées temporairement aux hommes du domaine; les lods et ventes, qui frappaient, à raison de trois sous quatre deniers par livre, la transmission des meubles et immeubles à Coifîy-la-Ville, Vic] et Damré- mont, en remplacement de la main-morte, supprimée en 1337.

dist et li montrai ceste besoigne et aultres et les Chartres qu'il avoit doudist roi, et li diz Beraz en la présence de l'abbé de Aviler, de monsignor Clément de Lannoi, de monfignor Gauthier Descot, de monsignor Huon Chadiron, de Pierre Gasleavoine qui estoit bailliz de Chaumont et de plu- sors autres que estoent présent, me comandai que je li feisse rendre des deniers monsignor le roi la moitié desdites XXV livres et que li, fors de Montcharvot, li fust délivrez ; mes par moi n'ait pas eu ne receu sudite par- tie des XXV livres, desur dites. En lesmoignage de la quel chouse j'ai fait mètre en ces letres, avec mou seel, le seel monsignor Aubert curie de Coiffé, et je Aubert curiez de Coiffé davant diz, a la requeste doudist Girars ai mis mon spel en ces présentes letres avec le suen seel. Ce fu fait en l'octave de fesle seint Jehan Batiste, l'an notre signor mil. CC. LX et XIII. (Arch. de la Côle-d'Or, Prieuré de Varennes, H 7, liasse 248, parchemiu.)

1 . Bien que le droit de hallage soit cité dans plusieurs titres relatifs à la vente par engagement du domaine de la prévôté de Coiffy, en 1646, 1657 et 1682, nous n'avons trouvé dans les comptes du domaine aucune indica- tion sur son produit. Quoi qu'il en soit, l'institution des marchés à Coiffy- le-Châtel était fort ancienne et remontait à la création même de ce bourg, puisque la charte d'affranchissement de 1260 mentionne le marché : « li queux marchiez doit estre au lundi franz et conduit un jour devant et un jour après. » (Pièce justificative III.) Ces marchés, appelés aussi foires, purent avoir leur importance relative au moyen-âge; mais le voisinage de Bourbonne, l'agglomération des habitants et l'arrivée des étrangers prit, dans la suite, de plus en plus d'extension, finit par leur porter un coup funeste. Le seigneur de Bourbonne obtint leur suppression et leur réunion aux foires et marchés de sa châlellenie, en 1717. (Arch. comm. de Coiffy- le-Haut, Reg. municipal.) La halle, qui s'élevait sur la place située devant l'ancien château-fort, fut alors abattue, et sur son emplacement on cons- truisit l'auditoire royal ou hôtel de la prévôté, dont il sera question plus loin.

Hi) LA PI{l':V(VrE ROYALE

Le produit de ces diverses coutribulious se partageait par moitié eulre le roi cl le prieur.

11 n'en était pas de même de la banalité des fours, des mou- lins et des pressoirs, dont le revenu, à rexceplion d'un four commun à Monlcharvol, appartenait exclusivement au prieur \ qui avait aussi seul droit aux corvées de bras et de charrues, dans les conditions déterminées par la coutume.

Le roi, de son côté, percevait intégralement les -taxes de quint et de requint, de relief ou rachat et de franc-fief, prove- nant de la transmission et de la possession des fiefs situés dans la mouvance du château de CoifTy-.

1 . Voir les pièces justificatives u'" III et IV. Au mois d'août 1200, îe prieur de Varennes traita avec Richard, le maçon, pour la construction d'un four à Colffy. (Arch. de la Côted'Or, Prieuré de Varennes, liasse 2ï'^, par- chemin.)

Un titre du 28 septembre 1424 fait mention du treuil ou pressoir banal de Coilly-le-Châtel, dans une instance introduite devant Reguault Siret, pré- vôt du lieu, contre quatre habitants de Montcharvot, par le prieur de Varennes, Guillaume d'Amoncourt, « le quel prieur disoit et proposoit à « rencontre des dessus nommés et contre chacun d'eux, tant conjoints « comme divisémeut, que comme à cause ds sa seigneurie et d^oits de son- « dit prieuré, tous ceux qui ont des vignes en la circuilé de la monlaigne « dudit Cbiiï}' ne puellent ou doivent mener hors leurs vendan^/es dudit a CoilTy, mais icelles doivent laissier audit lieu pour illec payer leur desrae « et trcuiller au treuil dudit CoifTy, et quant ils font le contraire, le tout est « acquis et confisqué àluy.en faisant ses conclusions... » (Arcli.de la Haute- Marne, Prieuré de Varennes.)

Il existait également un pressoir banal à Coiffy-la-Ville. L'emplacement qu'il occupait fut accensé, suivant lettres du Chapitre général de .Molêmes, du 30 avril 1S65, pour le cens annuel de cinq sous au profil du prieur de VarenneSi Les habitants se rachetèrent aussi de la banalité du four, le ^8 mars 1674, ou plutôt traitèrent de fixité de celte contribution en payant au pripur ure rente annuelle de dix sous par ménage. (Arch la Côt'^- d (Jr. Ptifiiré de Varennes, liasse 24S ) Les habitants de Vicq et de Dam- rémont se rachetèrent également de la banalité des fours et des moulins. (Arch. de la Haute-Marne. Prieuré de N'arannes.)

2. Le quint représentait le cinquième du prix de l'acquisition d'un fief, et le reqiiint le cinquième du quint. Le relief ou rachat, équivalant au pro- duit d'une année de revenu, était t'.ù par les nobles pour les donations de fi-fs entre vifs et en succession coUaiéiale. Aucune taxe seigneuriale lie grevait la transmission en ligne directe. Le droit de fradc-Gef, aussi évalué au revenu d'une année, se payait tous les vingt ans, et à chaque mutation de vassal, par les non-nobles ou roturiers possesseurs ou acquéreurs de fiefs.

L'application du droit de quint et de requint, lorsqu'il s'agissait de la vente de fiefs importants, ne laissait pas que de produire de grosses sommes. Ainsi, de 1721 à 17/1, elles ne s'élevèrent pas, pour mouvarice de CoilTj', à moins de 05,729 livres, dans lesquelles la vente de la terre de Bourbonne

nE COIFFY-LE-CflATEL 87

Les redevances en ualure, ordinairemeut désignées sous les noms de rentes, terrages, fouages, tierces et dîmes, se ver- saient, eu blé, seigle, avoine, vin, bestiaux' et volailles. Elles formaient la portion la plus considérable du revenu des sei- gneurs. A l'exception de Montcharvot, l'on partageait par moitié, le roi n'avait que le quart des grains et des géliues à Coifîy-le-Châlel, Coiffy-la- Ville, Vicq et Damrémout, ainsi que le quart des rentes de grains à la Neuvelle, Le prieur recevait le reste, c'est-à-dire les trois quarts des redevances de grains et la totalité des dîmes de vin. Ce qui donnait lieu à cette dif- férence, c'est que le prieur percevait, suivant la réserve por- tée au pariage de 12o0, la totalité des dîmes ecclésiastiques, dont il donnait, avant 1071, une faible part au curé desser- vant'. En grains, ces dîmes représentaient environ le dixième de la récolte, alors que les terrages ou rentes équivalaient à un autre dixième de la même récolte. Or, le seigneur laïque n'ayant droit qu'à la moitié des terrages ou rentes, ne perce- vait en réalité que le quart des redevances totales payées par les babitanls.

Une autre redevance, à laquelle le roi seul avait droit, à cause du cbàteau de Goifîy, était celle des guet et garde, qui remplaçait l'obligation à laquelle étaient assujetis lesbabilauts de divers villages de la région de faire le guet et de monter la garde au château ^. Elle se payait en avoine. Les cinq villages de la prévôté n'y étaient pas soumis, sans doute parce que les hommes pouvaient être requis pour ce service.

entra pour 20,CÛ0 livres, et les trois ventes successives de celle de Ché- zeaux (1710, 1733, 1748), pour 29,640 livres. Pendant la même période, les reliefs ou rachats n'arrivèrent qu'à 352 livres, (Arch. Nat. Domaines. Reg. P 1773.) Toutes ces perceptions, laissées aux engagisles, leur lurent retirée.^ par un arrêt du Conseil du loi, en 1771.

1 . La dime des bestiaux, autrefois importante, était tombée, dans la suite, à peu de choses. Un état des revenus du prieur de Varennes, au siècle der- nier, ne fait mention que d'un mouton gras pour Coifly-Ie-Cbûtel. Une charte du mois de septembre 1233, indique que la dîme se levait à Coilfy sur les moutons, veaux, porcs, chevaux et juments. (Voir la pièce juslificalivc n-I)

2. M. A. Lacordaire, de Bourbonne, a vu, à tort, d'autres seif2,neurs déci- maleurs à Coiily. La sentence du prévôt deSaint-Aignan, en Beirj*, de 1342, dont il a donné le texte dans ses Chasleau et Citadelle de Cui'/fy ipa^'eUI), et qui attribue au maître de Saint Ladre de Selles la jouissance d'une reate assise sur la dîme de Colfy, ne s'applique pas à Coilïy, mais à Con'y en Berry, auJDurd'hui Couffy, commune du canton de Saint-Aignan (Loii-et Cher).

3. La redevance des guet et garde, exigible alors même que le château n'existait plus, subit, dans le cours des siècle?, de nombreuses varid lions. Elle se percevait si diflicilcment autrefois, que les sergents fleffés Ju chà-

88 I A PRÉVÔTÉ ROTALK

Le revenu seigneurial s'alimentait encore du produit des amendes, exploits, greffes, labéllionnages des cinq charges de notaires réparties dans les cinq villages, et des quatre mairies de Goiffy-la-Ville, Vicq, Damrémont et Monlcharvot.

Y concouraient également les recettes provenant de la vente des échoites ou biens de main- morte, avant 1337, de la confis- cation qui investissait les seigneurs des biens des condamnés à la peine capitale ou à la mort civile, et de l'épave qui les met- lait en possession, à l'expiration du délai légal de quarante jours, des animaux saisis dans l'étendue de la justice'.

On voit, par ce qui précède, que les sources du revenu étaient multiples, et que si, en matière de fiscalité, le régime féodal n'avait rien oublié, les impôts et les redevances qu'il avait établis se ressentaient de son esprit d'individualité.

teau de Coiffy étaient autorisés à s'en recouvrer à main armée (1539). (Pièce justifie, n" IX.)

L'Exlenta terre Companie, de la fia du xiii« siècle, cite les gardes d'En- fonvelle et de Raincourt, et celles qui étaient dues par quelques hommes de Charmoy, Soyers, etc. Elles se payaient alors en argent, en avoine et en cire. Il est dit dans ce document que « les» gardes se perdent pour deffaut de gaideours. » Le compte de Lavenier (1341), ne fait mention que des gardes de Bourbonne, Bousseraucourt et Jonvelle ; celui de Jean Balavoyne (1539), énumère celles de vingt et une localités. Le relevé dressé par Simon, receveur du domaine de Chaumont (l'57Û), fixe à vingt-quatre le nombre des villages sujets à ce droit. (Arch. Nat. R'* 1162. Maison d'Orléans.) Le terrier de la prévôté de CoifTy (1678), le réduit à dix, savoir : Anrosey, Arbigny, Bize, Blondefontaine, Enfonvelle, Guyonvelle, la^ Ferté-sur- Amance, Montesson, Rougeux et Soyers, qui payèrent, jusqu'à la Révolu- tion, un bichet d'avoine par ménage. (Arch. Nat. P 1801 et carton Q' 694.) Au xvi" siècle, les habitants de Barges, Genrupt, Pouilly et Neuvelle les- Voisey, sujets de l'Ordre de Malte, avaient été déchargés de cette contribu- tion.

lo Comme le droit d'épave constituait un produit sérieux, au moyen-âge, les prévôts et autres officiers de la prévôté ne négligeaient pas l'occasion, si douteuse qu'elle fût, d'en faire l'application. C'est, du moins, ce qui paraît résulter d'un arrêt du Parlement de Paris, du 2 mars 1327, reconnaissant autorité de chose jugée à une sentence du bailli de Chaumont, qui avait condamné Robin de la Fère (de Fera), prévôt de Coiffy, et divers sergents du roi en ladite prévôté, à indemniser Hugues de Monljustin, officiai de Langres et ses hommes des Loges, du préjudice qu'il leur avait causé en sai- sissant indûment du gros bétail qui leur appartenait. (Arch. Nat. Reg. du Parlement. Jugés. N" 1. Fol. 491, verso ) A l'application du même droit, se rapporte le mandement du 8 février 1317, adressé par le Parlement au bailli de Chaumont, à l'effet de poursuivre Hubelin, prévôt de Coiffy, le Gris, son fils, et autres, dénoncés par l'abbé deDoucevaux (Vaux-la-Douce), comme ayant enlevé furtivement, dans les bois de l'abbaye, 121 porcs gras. (Arch. Nat. Parlem. criminel 1, fol. 133.) Ou doit reconnaître que les justiciers de Coiffy poussaient alors un peu loin leurs prétentions à l'épave.

DE COIFFY-LK-CHATEL 89

Aucune règle générale ne les régissait. Créés, au moyen-âge, par la volonté de tel ou tel seigneur, modifiés quelquefois par les circonstance?, ils variaient non seulement dune proviuce à l'autre, mais même, comme notre sujet en fournit de nom- breux exemples, de clocher à clocher,

La même mobilité s'observe, dans nos titres, pour les expres- sions qui servent à spécifier les redevances. Les mots de cens, chàlels, échets, coutumes, dîmes et bourgeoisies, qui y figurent, sont souvent employés indifféremment pour désigner l'ensemble des contributions imposées aux habitants.

Disons enfin, pour porier un jugement sur la légitimité de ces impôts, que tous ceux qui découlaient d'anciennes conces- sions de terres et de privilèges déterminés, que la dîme elle- même, destinée à assurer l'exercice du culte, l'entretien de ses ministres, les dépense de l'église et les aumônes, si elle n'eùl pas été trop souvent détournée de sa destination originelle, étaient justes et fondées, alors que les autres, résultant de l'usurpation et de l'arbitraire, présentaient un caractère ditïé- rent. Le temps, il faut le reconnaître, avait singulièrement amoindri l'importance de plusieurs de ces droits, et si les rentes, qui s'acquittaient en nature, étaient restées en rapport avec la valeur réelle des récolles, il n'en était pas de même des cens eu espèces dont le taux, demeuré invariable, no repré- sentait plus, depuis longtemps, étant donné l'abaissement de la valeur de l'argent et la plus-value toujours croissante des anciennes concessions de terre et des droits d'usage dans les forêts, qu'un revenu insignifiant et parfois négligé. Entre autres, le droit de bourgeoisie, à Coiffy-le-Châtel, était tombé en désuétude et ne se percevait plus au siècle dernier '.

Comptabilité du domaine.

Après avoir fait connaître la nature des éléments qui com- posaient le revenu du domaine de la prévôté, il nous reste à en déterminer les chiffres, le plus exactement possible.

Ici, nous nous trouvons en présence de documents inédits, d'une réelle importance, qui se recommandent, pour la plupart, autant par leur âge, l'autorité et l'authenticité de leur origine, que par l'intérêt qu'ils offrent pour l'histoire de Goiffy, l'étude

1 . Déclaration des droits seigneuriaux, dîmes, cens et héritages du prieur de Varennes, en 1786, Arch. de la Haute-Marne. Prieuré de Varennes, liasse 1.

'.III LA PRÉVÔTÉ ROYALE

de l'orgauisaliou domaniale et financière en général, que pour l'appréciation, dans notre région, de la valeur des denrées, des marchandises et de l'argent, aux diiïérenles époques ils ont été établis.

Ces comptes ou étals, dont plusieurs contiennent l'exposé des recettes et le détail des dépenses du domaine, sont au nombre de sept. Quatre émanent de l'Adminir-lration royale, et trois, les moins anciens, de la régie du prieuré de Varennes. Dans leur ensemble, ils se répartissent, bien qu'inégalement, sur une période de six siècles, à laquelle le xv*^ seul ne participe pas.

Les chiffres qu'ils accusent varient nécessairement selon le nombre des habitants et le rendement des récoltes. Dans les années d'abondance, le revenu en nature s'élève. Il décroit en proportion dans les années de disette.

1" EXTE.NTA DE CoiFKY,

En premier lieu, nous citerons l'état delà terre de Coiffy, « extenta de Coi/fy\ » Ce relevé, dressé par Symon, d'après l'js comptes de l'ancien prévôt, Thierry Symon, fait partie d'une série d'enquêtes, non datées il est vrai, mais qui, d'après certaines déductions et diverses dates de faits particuliers qu'on y rencontre, relate dans son ensemble un état de choses existant de 1270 à 1277. Quelques-unes de ces enquêtes paraissent cependant postérieures de quelques années à cette époque. Toutefois, le recueil général qu'on eu possède, et qui est intitulé : Extenta terre comitatus Campame et Brie, n'étant qu'une transcription du milieu du xrV^ siècle, il ne faut pas s'attacher à l'éciilure du manuscrit pour déterminer la date des enquêtes. Pour Coiffy, notamment, on est fondé à admettre une date antérieure au xiv° siècle, et à la fixer avant 1287, date du compte de Gentieu et de Renier Acorre", dans lequel il est fait mention des gages payés aux sept guettes, qui n'existaient pas encore au château de Coiffy. lorsque fut dressé l'état de celte prévôté.

En condensant les indications détaillées de Xexlenta de Coiffy, on obtient, pour le revenu du seigneur la'ique, appelé « il sires », c'est-à-dire le seigneur, les résultats suivants :

1. Voir la pièce juslificalive o" IV.

2. Id., n- V.

DE COIFFY-LE-CHATEL

Recettes en arrjenl.

Livies Sou^

Produit de la prévôté de CoitTy 40 »

Produit delà prévôté de Viliars-le- Pautel 15 »

lichets de Coiiry- la- Ville, Vicq et Damrémont 38 »

Bourpecisies de Coiiry-le-Cliùlel, en argent 1 10

Bourgeoisies dudil lieu, en cliypon?, évaluées 12

Araoisonnement des terres à Coiffy-la- Ville, Vi.-q

et Damrémont - 2 4

Gardes diverses, en argent 4 12

Gardes, en cire (i livres) » 8

Cens des prés » 1^

Four banal de Montcharvot, quand il sera refait... 3 »

Bourgeoisies de Montcharvot 12

Cens dijs par les hommes du Temple, à Pouilly,

Neuvelle et Barges 3 <J

Chapons dûs pour les vignes neuves à Coifly-le-

Chàlel \.... 1 5

Article effacé par suite de Taltération du texte et

paraissant concerner Damrémont » ^

Total des recettes en argent... 111 ';•

Receltes en grains.

Ilémines Bichets E

Froment. Tierces à Coiiry-la- Ville, Vicq et _

Damrémont 'l 8

Bourgeoisies de Montcharvot » 17

Dîme de Villars-le-Pautel 1 4

Avoine. Gardes d'Enfonvelle, Raincourt,

Aubrigny ', Reignel » 17

Tierces de Coiffy- la-Ville, Vicq et

Damréiroul "2 8

Sur les hommes du Temple, à

Pouilly, Neuvelle et Barges... » 66

Dîmes de Villars-le-Pautel 1 4

Représentant au total, en froment : 70 hé-

mines, 5 bichets, 1 boisseau ; en avoine : 124 hémines, 6 bichets, 1 boisseau.

Dépenses.

A Monseigneur Ilayme^, et à dix sergents

fieffés, froment 44 8

A Monseigneur Heyme et à dix sergents

fieffés, avoine 2(5 »

A l'écrivain (greffier) froment 3

Aumône à l'abbaye de Vaux-la-Douce : o liv.

1. Sans doute Arbigny {Arhiniacum), cité dans d'autres litres, comme devant le droit de garde à Coiffy.

2. L'bémine ou septier de Coitfy valait 8 bichets, le bichet ou peual 2 bois- seaux, le boisseau 2b litres. L'hémine ou septier était, en conséquence, de 400 litres.

3. Mgr Hayme ou Heyme était le châtelain du roi, à Coiiry.

92 LA PRÉVÔTÉ ROYALE

La balance des recettes et des dépenses donne les résultats suivants :

Argent disponible : 106 livres 9 sous. Froment 28 hémines, 5 bichels, 1 boisseau.

Avoine 79 hémines, 6 bichels '.

A ajouter, en fin de compte, pour valeur de 10,000 tuiles : 4 livres.

Compte de J287-\

Cet ancien rôle des comtés de Champagne et de Grandpré, dressé par les receveurs Gentien et René Acorre, ne comprend que la période des six derniers mois de l'année 1287^ et se résume ainsi pour Coifîy :

Livre? Sou* Denier»

Recettes. I: Tl ^

lîentes de masures, four, coruages, cens 3 4 6

Prévôté et i entes amoisonnées, pour le premier terme 66 13 4

Total des recettes 70 7 10

Dépenses.

A Guillaume Larbeletier, châtelain de Coiffy, pour le premier terme de ses gages, et pour ses robes de Pâques et de la Toussaint 26 S >

A 10 sergents à cheval, 7 guettes et au tourier por- tier du château 74 4 7

Pour travaux de réparation et de couverture au châ- teau et maisons du châtel de Coiffy 30 17 s

et à la tuilerie de Damrémont » 10 »

Total des dépenses 131 16 7

Report de la recette 70 7 10

D'où il résulte que, pour ce terme, la dépense a dé- passé la recette de 61 8 8

1. La récapitulation portée à Vexlenla piésente, avec celle que nous donnons, quelques variantes qui sont le résultat d'erreurs du copiste du XIV» siècle : sur le froment, l'écart en moins de 10 hémines provient d'une faute de soustraction. 48 hémines déduites de 76 laissent, en effet, une dif- férence de 28 hémines et non de 18, chiffre porté sur le manuscrit. 2" Sur l'avoine, on constate une légère différence de 2 bichels. Pour la recette totale de l'avoine, le copiste a inscrit VIsV (605) hémines, 1 boisseau, au lieu de VI". V (125) hémines, 1 boisseau. La balance du compte, qu'il établit, 80 hémines, 1 boisseau, ne laisse aucun doute à cet égard.

2. Nous mentionnerons simplement pour ordre, « li compes Renier Acorre de la terre de Champaigne et de Brie, dès les Winliesmes de Noël, en l'an mil deux cens quatre vinz et quatre jusque au dimanche devant la feste de la Wagdeleine, en l'an mil CGG.LXXXV », dont le texte figure dans Brussel, Traité des fiefs, T. I", p. 461-462, et au tome 136, de la Collection de Cham- pagne, p. 357 à 359 (Bibl. Nat, Mss.), parce qu'au chapitre de Coiffy, inscrit Coulfy, il n'y a ni recelte ni dépense.

3. Voir la pièce justificative V.

DE COIFFY-LE-CHATEL 93

Compte de I3il.

Ce compte comprend les dépenses et les recettes faites, pour une année échue à la Sainte-Madeleine (24 juillet) 1341, par Franque Lavenier, receveur du comté de Champagne'.

Recettes. Llvr. t. Sous nenierj.

Prévôté et châtex affermés 240 » »

L'écriture (le greffe), et les 4 deniers du registre,

uffermés 3 » »

Vente du blé et de l'avoine (13 muidsetlO sepliers). 45 12 »

Vente de l'herbe des prés du roi, à Bourbonne 18 r

Echets le Baquat, bourgeois du roi,